Le coût des engagements extérieurs pour les Etats-Unis
Mettre fin aux guerres « coûteuses et inutiles ». C’était l’un des slogans de la campagne présidentielle de Donald Trump. Depuis le désastre vietnamien, le coût des guerres est un motif récurrent de débat, surtout quand celles-ci sont injustifiées et s’enlisent. Les guerres d’Irak et d’Afghanistan en sont les exemples les plus récents. Quel est leur coût réel et leur impact sur les Etats-Unis ?
Des dépenses massives
Quantifier avec précision le coût d’une guerre est complexe. Aux dépenses militaires classiques s’ajoutent les frais liés aux soins, les pensions d’invalidités, et la réinsertion des vétérans. L’impact budgétaire est important : réduction de l’investissement fédéral, hausse de la dette (détenue à 40% par des investisseurs étrangers) et des intérêts. Dans le cas de l’Irak, la multiplication par quatre des cours du baril suite à l’invasion de 2003 a aussi eu un impact – bien que limité – sur l’économie des Etats-Unis.
Depuis 2001 le coût des seules opérations extérieures (OCO) s’élève selon le ministère de la défense à 1 900Md $. C’est deux fois et demi de plus de la guerre du Vietnam. En y incluant les frais annexes (soins, intérêts de la dette et pensions d’invalidités à vie) les montants explosent : de 6 000Md $ à 12 000Md $ pour certains experts.
Des sommes qui pourraient être utilisées à meilleur escient
Ces sommes astronomiques sont à mettre en parallèle avec les défis intérieurs des Etats-Unis, qui nécessitent des investissements massifs. Celui dans les infrastructures souhaité par D.Trump coûtera près de 1 500Md $. Le plan de sauvetage lancé après la crise des subprimes a couté près de 700Md $. La mise en place d’un système de santé universel, souhait de plusieurs candidats démocrates, apparaît hors de portée pour des questions de financement.
Choix politiques et contrôle des dépenses
Les dépenses de l’Etat fédéral américain – y compris le budget de la défense et les opérations extérieures (OCO) – doivent être approuvées par le Congrès, qui est aussi le seul à pouvoir relever le plafond de la dette. Ce rôle de régulateur sera bousculé par les opérations post-11 septembre.
L’administration Bush requalifie alors les dépenses liées aux opérations extérieures en « dépenses d’urgence », pour bénéficier d’une procédure accélérée. Pour faciliter l’approbation du Congrès et s’assurer du soutien de l’opinion publique, le terme « opérations extérieures » devient GWOT, pour « Global War On Terror ». C’est l’unité bi-partisane après le 11 septembre qui a permis le déblocage des sommes nécessaires, sans réel débat parlementaire. En aurait-il été de même pour des programmes sociaux ou environnementaux ?
Un coût économique limité
Malgré leur ampleur, les conflits afghans et irakiens ont eu un impact limité sur l’économie et la société américaine. Toutes ces opérations extérieures ont été financées par l’émission massive de dette, sans hausse d’impôts ou de taxes supplémentaires pour les ménages américains. Le coût brut de ces opérations est à relativiser. En valeur, les dépenses augmentent. Cependant le budget consacré à la défense, rapporté au PIB, décroit régulièrement depuis la fin de la guerre de Corée, en 1953. Les guerres d’Irak et d’Afghanistan ont été en proportion du PIB, bien moins coûteuses que celle du Vietnam (respectivement 1,2% et 2,3%).
Des guerres « invisibles » vu des Etats-Unis
Par rapport au Vietnam, l’impact sociétal est également plus faible. Le nombre de victimes a lui aussi chuté : 58 000 au Vietnam contre 6 000 en Irak et en Afghanistan, pour une durée de déploiement et un nombre d’engagés comparables. L’emploi exclusif de militaires de métier (et non de conscrits comme au Vietnam), l’absence de répercussion sur le sol américain et un meilleur suivi des vétérans ont rendu ces guerres « invisibles » pour l’immense majorité des Américains. Il en va tout autrement pour les 500 000 victimes directes et indirectes du conflit irakien et les milliers de réfugiés afghans.
Un bilan contrasté
Les résultats des opérations américaines en Irak et en Afghanistan est mitigé. La « pacification » de l’Irak est aujourd’hui loin d’être achevée. En Afghanistan les talibans ont regagné du terrain, face à un Etat central particulièrement fragile. Davantage que le coût, c’est souvent l’impact d’une opération extérieure sur l’opinion publique qui entraîne son arrêt. Or entre 40 et 50% des Américains soutiennent encore l’engagement actuel – certes très réduit – en Irak et en Afghanistan. L’emploi de drones et de forces spéciales couplés à la formation des troupes locales a permis de déléguer les opérations militaires, sans pour autant se désengager totalement.
Comme le souligne l’hebdomadaire The Economist : « Les guerre d’Irak et d’Afghanistan n’ont rien coûté à la plupart des Américains ». Si ce n’est de la dette et une réputation ternie.
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