Brexit : enjeux agricole et alimentaire
Marginalisée, la faiblesse de l’agriculture britannique oblige le Royaume-Uni à importer une grande partie de son alimentation. Le Brexit, générateur de nouveaux accords commerciaux, aura aussi des impacts sur ces deux points.
Une agriculture britannique délaissée
Le Royaume-Uni est depuis toujours ouvert sur les mers et les océans. Sa géographie insulaire l’y oblige. L’empire s’est construit sur les comptoirs commerciaux puis les colonies d’outre-mer établis par l’Angleterre. Les anglais sont devenus d’habiles commerçants et sont à l’origine de la mondialisation.
Ainsi, dès la fin du XVIIIème siècle, l’Angleterre a importé de la nourriture de ses colonies puis du Commonwealth. En outre, c’est le premier pays à être entré dans l’aire de la révolution industrielle. Les gouvernements ont depuis toujours estimé qu’il valait mieux développer l’industrie et faire travailler la City. La richesse ainsi générée permettait d’acheter la nourriture ailleurs où elle était moins chère.
L’agriculture fut donc progressivement délaissée. Déjà en 1861, elle n’occupait que 23% de la population active contre 64 % en France. Aujourd’hui, elle ne représente plus que 1.4% de la main d’œuvre du Royaume-Uni et 0.7 % de son PIB.
Une alimentation en grande partie importée
En conséquence, 51% de ce qui est consommé aujourd’hui par les britanniques vient de l’étranger. 30% proviennent de l’Union européenne. Les importations alimentaires fonctionnent en permanence à flux tendu. Un blocage des camions et containers arrivant sur l’île aboutirait en quelques jours à une pénurie de nourriture.
Le Royaume-Uni est officiellement sorti de l’Union européenne le 31 janvier. Il dispose désormais de 11 mois pour négocier les termes de ses nouvelles relations commerciales avec l’UE. Le message véhiculé par Boris Johnson est que le Royaume-Uni « veut sceller un accord de libre-échange sans barrière douanière, frais, ni quotas….».
Le nouveau Premier ministre est fortement tourné vers les États-Unis. Le risque est donc grand d’une arrivée massive de produits américains. Ceux-ci ne répondront pas aux critères actuels de l’UE sur les plans sanitaire et des modes de production. Or, le citadin britannique est adepte de l’alimentation Bio ou Vegan. Il ne veut sans doute pas renoncer aux fruits et légumes européens pour du bœuf américain traité aux hormones ou des poulets chlorés. Le consommateur souhaitera préserver la diversité de son alimentation. Il sera également attentif à la présence de normes alimentaires élevées dans tout futur accord commercial.
Des agriculteurs peu nombreux mais présents
Le Royaume-Uni compte 212 000 exploitations agricoles (contre 450 000 en France), qui valorisent 71% de la surface du pays. 7% des exploitations assurent 55% de la production agricole. Ces exploitations produisent de la matière première principalement destinée à l’industrie agro-alimentaire de masse. Peu d’exploitations nourrissent encore directement les consommateurs. Des agriculteurs qui vivent d’activités autres, telles que l’hébergement touristique, gèrent une multitude de petites exploitations.
Dans de nombreuses régions, où les activités liées au charbon et à l’acier ont disparu, l’agriculture reste le dernier pilier social. Elle est aussi la garante de la préservation des paysages et donc de l’activité touristique.
En 2016, les agriculteurs britanniques ont pour la plupart voté pour le Brexit. Beaucoup espéraient qu’une sortie entraînerait la fin des réglementations qui pèsent sur les exploitations. Or, chaque année, l’Union européenne versait près de 4 milliards d’euros au Royaume-Uni dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC). Ces subventions constituaient 61% des revenus agricoles en Angleterre et plus de 80% au pays de Galles et en Irlande du Nord.
Une production agricole en danger avec le Brexit
Le gouvernement britannique prévoit un nouveau dispositif d’aides qu’il décrit comme « de l’argent public pour des biens publics ». Les bénéfices environnementaux et le bien-être animal constitueraient les axes principaux des primes. Or c’est la production qui assure la viabilité d’une exploitation agricole.
Aujourd’hui, l’UE est la destination de 60% des exportations de denrées alimentaires britanniques. En l’absence d’accord post-Brexit, les règles de l’OMC et des droits de douanes s’appliqueront aux transactions (en moyenne de 15 à 30%). Les conséquences pourraient être, pour des productions comme la viande de mouton, une saturation et une baisse des prix payés aux producteurs. En outre, le consommateur va sans doute payer plus chère la nourriture importée. Fort de ces constats, le Brexit peut-il faire prendre conscience aux britanniques de tout l’enjeu qualitatif et sanitaire qu’il y aurait à redynamiser une agriculture de proximité, productive et durable ?