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Démonstration de force: l’Iran lance son premier satellite militaire

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Le 22 avril 2020 la République islamique a annoncé le lancement réussi de son premier satellite militaire. Quelques heures plus tard, le président américain avertissait avoir donné l’ordre de détruire toute embarcation iranienne qui « harcèlerait » les navires américains dans le Golfe Persique. Malgré le fait que les deux pays soient sévèrement touchés par la pandémie du Covid-19, le bras de fer irano-américain ne cesse de s’intensifier. 

 Retour sur le jeu d’échecs irano-américain

L'Iran démontre sa puissance
L’Iran démontre sa résilience face aux sanctions et à l’épidémie.

Les réactions en cascade se multiplient depuis le désengagement américain de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018. L’été 2019 a été particulièrement tendu. En juin, un drone de l’US Navy est abattu par l’Iran qui l’accusait d’avoir violé son espace aérien. Donald Trump rétorque qu’il vient d’annuler in extremis des frappes programmées en représailles contre trois sites iraniens.

En septembre, deux installations pétrolières de la compagnie saoudienne Aramco sont attaquées par des drones. Revendiquées par les Houtis, mais vraisemblablement coordonnées par l’Iran, ces attaques sont à la fois un coup de force sur la scène régionale et un message clair à Washington. En humiliant la défense saoudienne, les Iraniens ont prouvé la crédibilité militaire de leur force de dissuasion conventionnelle.

Un nouveau pic se produit fin décembre avec la prise de l’ambassade américaine à Bagdad. Le président, en pleine campagne de réélection, craint alors une réplique de l’épisode de 1979, avec la prise de l’ambassade américaine à Téhéran. La réponse de la Maison-Blanche est rapide. Trois jours plus tard, le général iranien Soleimani est tué en Irak dans une frappe de drone américaine. Donald Trump menace alors l’Iran de s’attaquer à 52 de leurs sites culturels en cas de riposte.

Des tensions paroxysmiques tout en évitant le conflit ouvert

Les retombées de ces événements ont jusqu’à présent été contenues. Aucun des acteurs de la crise ne souhaite un conflit ouvert. Le président américain ne veut pas d’une autre guerre l’année de sa possible réélection. L’Iran est également réticent à affronter directement un adversaire plus puissant. Bien qu’extrêmement résilient, le pays est en exsangue économiquement.

Affaiblie par les sanctions et les retombées de la crise sanitaire, Téhéran doit également faire face à des difficultés sur le plan interne. En novembre dernier d’importantes manifestations avaient éclatées dans tout le pays suite à l’augmentation du prix de l’essence. Sur le plan régional, les émeutes au Liban et en Irak, pointent du doigt une influence iranienne de plus en plus contestée.

Le conflit irano-américain est un jeu d’échecs de longue haleine. Donald Trump mise sur la guerre psychologique et le durcissement des sanctions pour asphyxier la république Islamique de l’intérieur. Cependant l’Iran reste encore solide. La stratégie de « pression maximale » appliquée par les Etats-Unis depuis 2018 n’a pas poussé Téhéran à négocier. On constate plutôt que l’Iran s’affranchit petit à petit de ses engagements en matière de nucléaire. Le dernier accroc en date au traité de juillet 2015 étant le lancement du satellite militaire Nour.

Un message stratégique

Le satellite Nour, qui signifie lumière en farsi, est actuellement en orbite à 425 km au-dessus de la terre. Cependant, l’Iran n’en est pas à son premier essai. La République islamique faisait déjà partie depuis 2009 des 10 pays capables de placer un satellite en orbite. Or, la liste des puissances spéciales recoupe en grande partie celle des puissances nucléaires reconnues. Le 9 février dernier, l’Iran avait été accusé par Paris et Washington de vouloir renforcer ses compétences dans le domaine des missiles balistiques lors d’un essai – échoué – de mise en orbite d’un satellite d’observation scientifique.

Ce nouveau lancement s’inscrit dans une stratégie iranienne de développement spatial et participe aux progrès dans son programme de missiles balistiques. Mais le lancement est aussi un message fort à la fois pour Washington et la population iranienne. L’Iran démontre aux Etats-Unis que la fragilité attendue de leur régime n’est pas évidente. Malgré l’embargo sur l’armement traditionnel, le développement de l’arsenal balistique se positionne comme une alternative solide en matière de dissuasion militaire.

Un rayonnement intérieur pour faire face à l’épidémie et aux sanctions

Sur le plan intérieur, le lancement intervient sur un grave fond de crise sanitaire. Etant un des premiers foyers de l’épidémie, l’Iran voit sa situation exacerbée par l’impact des sanctions américaines. Sur le papier, ces sanctions ne s’appliquent pas aux biens humanitaires, qui comprennent les équipements médicaux. Cependant, les banques internationales préfèrent généralement bloquer toute transaction impliquant l’Iran, par peur de représailles des Etats-Unis.

impact des sanctions américainesAvec un système de santé sous tension, l’Iran a sollicité un financement d’urgence de 5 milliards de dollars du Fonds monétaire international. Mais l’administration Trump, qui possède un droit de veto au FMI, infère que la République islamique utiliserait l’aide économique pour développer un programme nucléaire militaire. Le 11 avril Hassan Rohani a par conséquent choisi de lever le confinement pour relancer l’économie.

Au travers le lancement du satellite extrêmement médiatisé, le régime cherche à démontrer à sa population que l’Iran demeure une puissance forte.

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Anastasia Athénaïs Porret

Athénaïs PORRET est docteure en sociologie et genre, diplômée de Paris Cité. Elle s’intéresse particulièrement à la géopolitique du terrorisme, le Moyen Orient, l’Afrique et les enjeux sécuritaires et d’influence.

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