Élections américaines (3/4) : Les « farmers », soutiens fidèles de Donald Trump ?
En 2016, les habitants des zones rurales, dont les « farmers » (agriculteurs), avaient massivement voté pour Donald Trump. Depuis, quatre années de « trumpisme » ont passées, marquées notamment par la guerre commerciale avec la Chine. Les impacts sur le monde agricole sont importants. Les « farmers » en tiendront-ils rigueur au candidat Trump le 3 novembre prochain ?
Des agriculteurs traditionnellement républicains.
L’acte de production agricole n’occupe que 2% des actifs américains, mais les États-Unis sont la deuxième puissance agricole en terme de production derrière la Chine. Ainsi l’agriculture est un secteur clé qui emploie au total 11% des américains (en intégrant l’agro-alimentaire et la distribution).
L’Amérique rurale où vit 18% de la population des États-Unis est considérée comme la base même du parti républicain. Ainsi, parmi les États traditionnellement acquis aux républicains, dominent les États ruraux du Sud et ceux des grandes plaines. En 2016, Donald Trump avait obtenu ses meilleurs scores dans les États centraux du Midwest (Farm Belt) où plus de 75% des électeurs ruraux avaient voté pour lui. La population agricole, constituée principalement d’hommes, de blancs et de personnes d’âge mûr est très représentative de l’électorat républicain. Ainsi un candidat républicain ne peut gagner la Maison Blanche sans bénéficier du vote de cette Amérique « profonde » très conservatrice.
En 2016, le contexte agricole était défavorable. Les revenus étaient en baisse et les prix faibles pour de nombreuses productions, résultats d’une surproduction chronique. Les agriculteurs étaient, de plus, très critiques à l’égard des réglementations sur l’eau (Clean Water Rule) et sur les pesticides mises en place par l’administration Obama. Ils ont ainsi été séduits par le discours économique du candidat Trump et ses promesses de réduire impôts et réglementations. Le choix du vice-président a également joué. Mike Pence était un élu de l’Indiana, État très agricole et un ardent défenseur de l’agriculture. En face, Hillary Clinton, symbole de « l’establishment » et femme de surcroit, avait peu de chance de remporter leur suffrage…
Des agriculteurs fortement impactés par les guerres commerciales.
Le Président Trump a réorienté profondément la politique commerciale américaine, en arguant de la défense des intérêts nationaux. Bien que celui-ci ait affirmé, en juillet 2018, lors d’un discours dans le Missouri : « …Et les agriculteurs vont en être les plus gros bénéficiaires….», les agriculteurs ont été les premières victimes de ces guerres commerciales. Ainsi, les producteurs de soja, de maïs ou de porcs ont subi de plein fouet les mesures de rétorsion prises par la Chine. Avant le « conflit », les États-Unis exportaient 10 à 12 milliard de dollars de soja par an en Chine. En 2018, ce chiffre est tombé à 3 milliards provoquant un effondrement des prix. D’autre part, en appliquant des droits de douane sur l’acier et l’aluminium étrangers, l’administration Trump a fait grimper le prix des machines agricoles. En conséquence, les agriculteurs ont renoncé à bon nombre des investissements prévus.
Le président Trump, conscient de l’impact, notamment électoral de sa politique, a cherché à dédommager ses agriculteurs. Entre 2018 et 2019, 28 milliards de dollars de subventions leurs ont été versées. En avril 2020, face à la crise du Covid-19 et à la baisse de la demande, l’administration Trump leur a accordé une aide directe de 16 milliards. Enfin, le 18 septembre dernier, un communiqué du Secrétaire à l’Agriculture Sonny Perdue a annoncé une nouvelle aide de 14 milliards de dollars.
D’autres aspects de la politique de Donald Trump ont également impacté le monde agricole. C’est notamment le cas du recours intensif par l’administration aux dérogations concernant les mélanges de biocarburants pour les raffineurs de pétrole. Celles-ci ont fortement pénalisé les producteurs de maïs et d’éthanol.
Des agriculteurs confrontés à deux programmes de campagne.
L’American Farm Bureau Federation interroge traditionnellement les deux candidats à la présidence sur leur projet agricole. Le candidat Trump n’a pas de programme très précis. Il met l’accent sur la poursuite de sa politique commerciale, sur les réductions d’impôts et de réglementations. Le candidat Biden met lui en avant sa volonté de réparer les relations commerciales ou encore de protéger les revenus des petites et moyennes exploitations. Il insiste beaucoup sur les opportunités économiques des zones rurales, le haut débit, les soins de santé et les infrastructures. Ainsi, son crédo est notamment de «….construire une voie vers la classe moyenne pour les américains ruraux…».
Joe Biden souligne aussi la nécessité de protéger les travailleurs agricoles par des règlementations solides. Il soutient une législation qui leur donnerait un statut juridique et une voie plus rapide vers la carte verte. Joe Biden souhaite renforcer les lois antitrust dans le secteur des intrants agricoles ainsi que les programmes d’assurance-récolte. Sur la question du changement climatique, pour Donald Trump l’agriculture «…peut faire partie des solutions…» et ne doit pas être «…diabolisée…». Le candidat Biden parle lui des nouvelles opportunités et sources de revenus que le changement climatique peut apporter aux agriculteurs. Joe Biden ambitionne que l’agriculture américaine soit la première à atteindre des émissions nettes nulles et qu’elle joue un rôle important dans le stockage du carbone.
Pour conclure, à un mois du scrutin…
L’enquête « DTN / The Progressive Farmer’s Agriculture Confidence Index », menée du 6 au 14 août, a révélé que 71% des agriculteurs avaient déclaré qu’ils voteraient probablement en faveur de Trump. Au mois d’avril ce taux était de 89%. Le changement provient d’une baisse de la satisfaction de l’électorat agricole concernant la gestion de la pandémie (43% de satisfaits contre 84% en avril). D’autres sondages montrent que le soutien des hommes ruraux pour Trump reste stable mais qu’il diminue parmi les femmes rurales. Pour nombre d’agriculteurs, la stratégie commerciale de celui-ci vis-à-vis de la Chine est la bonne et portera ses fruits à terme. Reste à savoir si les ruraux et les agriculteurs indécis seront cette fois davantage attirés par le candidat démocrate. L’agriculture ne fera pas parti des enjeux majeurs de cette élection, mais celle-ci se jouera notamment dans des États ruraux comme la Pennsylvanie, le Wisconsin ou le Michigan.