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Quel bilan peut-on faire de l’intervention américaine en Afghanistan ?

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Après 20 années de présence militaire sur le territoire afghan, le Président américain Joe Biden a annoncé le 14 avril dernier le retrait des troupes américaines (1). Un retrait effectif d’ici le 11 septembre 2021, une date qui fait évidemment échos aux attentats du 11 septembre 2001. Ceux-ci furent le déclencheur de cette intervention américaine en Afghanistan. Son premier objectif était de chasser le groupe terroriste Al-Qaïda, responsable des attentats du 11 septembre et son leader Oussama Ben Laden. Le deuxième objectif était de sanctionner le régime des Talibans pour son soutien à Al-Qaïda. Enfin, le troisième était d’assurer en Afghanistan une transition politique vers un État de droit et un régime démocratique.
Alors que l’intervention américaine touche à sa fin, quel bilan politique et militaire peut-on faire de ces vingt années de présence ? Le premier constat étant que si Al-Qaïda est affaibli et Ben Laden éliminé, les Talibans restent puissants dans le pays et les groupes terroristes sont encore présents dans la région.

Un début d’intervention américaine réussi en Afghanistan

Après les premières semaines d’intervention, peu d’observateurs auraient prédit que la présence des forces américaines et de l’OTAN se serait éternisée sur plusieurs décennies. Dès novembre 2001, la supériorité militaire occidentale permet de chasser les Talibans du pouvoir et de prendre Kaboul. Un événement vécu de manière positive par la communauté internationale ; les Talibans sont alors sous sanctions de l’ONU depuis 1999 pour diverses exactions politiques commises.

Le 5 décembre 2001, les accords de Bonn permettent d’assurer une transition politique en Afghanistan. Hamid Karzaï prend la présidence de l’État. Il remportera par la suite les élections de 2004 et 2009, mais perdra celles de 2014. Lors des cinq années suivantes (2002 à 2006), les troupes occidentales font face à une guérilla de basse intensité du côté des talibans. Celle-ci empêche le gouvernement afghan de prendre véritablement le contrôle politique du pays et reste cantonné à Kaboul.

Un enlisement occidental

À partir de 2006, la guérilla talibane reprends à une plus grande échelle. Le mouvement accroit ses capacités militaires et financières (grâce aux revenus de la culture de pavot notamment). L’embourbement des Américains en Afghanistan est au moins aussi conceptuel qu’opérationnel. En se lançant dans « une guerre contre le terrorisme » à partir des attentats de 2001, les États-Unis de G.W. Bush sont entrés dans une lutte contre un adversaire invisible. Ils sont aussi tombés dans un piège sémantique. « Le terrorisme » n’est rien d’autre qu’un mode d’action. Il ne permet pas de définir explicitement un adversaire.

Intervention américaine Afghanistan
Carte du contrôle du territoire afghan en 2019 – Source: Le Parisien

L’arrivée de l’administration Obama change la donne en laissant de côté cette notion de « guerre contre le terrorisme ». Le président Obama fixe un nouveau cap pour l’Afghanistan. Il vise à une reconstruction du pays afin de gagner le soutien de la population locale. L’élimination d’Oussama Ben Laden en 2011 permet de franchir une étape. Des évolutions mineures de la situation interviennent entre la guérilla talibane et les forces occidentales. Puis en 2014, Barack Obama annonce un premier retrait de troupes américaines mettant fin officiellement à la guerre. Mais il ne met pas fin à la présence américaine.

En finir après 20 ans d’intervention américaine en Afghanistan

Après ce retrait partiel des forces américaines sous l’administration Obama, Donald Trump se prononce pour un retour total des troupes. Celui-ci s’inscrit dans le cadre de sa politique extérieure globale de retrait militaire américain du Moyen-Orient. Pour ce faire, il entame un cycle de négociations plus ou moins formel avec les Talibans. Donald Trump est conscient de leur puissance dans le pays et de la probabilité d’un retour au pouvoir en cas de retrait des forces occidentales.

Seul un accord fragile fut trouvé sous l’administration Trump, laissant la décision à son successeur Joe Biden. Ce dernier décide donc d’en finir avec cette intervention, sans contrepartie des Talibans. Une annonce qui est arrivée à la mi-avril, ne réfutant pas le bien-fondé de l’intervention : « L’objectif était clair et la cause était juste » en jugeant que les objectifs avaient été atteints, notamment avec l’élimination d’Oussama Ben Laden. Des résultats qui semblent toutefois peu satisfaisants, à la vue des coûts engendrés. Ceux-ci sont estimés à 800 milliards de dollars et près de 30 000 victimes, dont au moins 20 000 civils au bas mot. En effet, il n’existe pas de statistiques sur le nombre de civils tués entre 2001 et 2005.

Quel résultat en comparaison à l’intervention soviétique (1979-1989)

Pour conclure sur une analogie avec l’intervention soviétiques en Afghanistan : comme ce fut le cas pour l’URSS, les États-Unis ont acquis plusieurs succès militaires dans les premières années de leur intervention. Pour autant, ils n’ont jamais contrôlé l’intégralité du territoire. À l’inverse, au fil des années ce contrôle s’est étiolé. Et les Américains ont fini par admettre l’impossibilité d’aller au bout des objectifs politiques envisagés. Ils ont du se résigner à un retrait des forces militaires.

Contrairement à ce qu’a connu l’URSS, l’intervention américaine en Afghanistan n’aura pas occasionné de déstabilisation politique en interne. En revanche, le statut américain de « gendarme du monde » effectif au début des années 2000, contesté au début des années 2010, semble appartenir au passé en 2020. L’incapacité des Américains à pérenniser la transition démocratique en Afghanistan en est une des raisons (2). Comme pour l’URSS plusieurs décennies auparavant, l’Afghanistan aura donc été pour les États-Unis, le fossoyeur des velléités hégémoniques internationales du pays. Une intervention dont l’ambition d’origine est à mettre en perspective avec des résultats trop modestes pour être véritablement considérée comme un succès.

 

(1) Dans cet article, il sera question des objectifs politiques américains et non ceux de l’OTAN, bien que similaires, ils ne sont pas identiques.

(2) Ce n’est évidemment pas la seule, nous pouvons citer comme autres raisons notamment, d’autres interventions aux succès politiques mitigés, en Irak, en Libye ou en Syrie.

 

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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