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La Somalie élit finalement son nouveau Président

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Après sept mois d’attente et de délais, la Somalie a élu hier son nouveau Président, Hassan Sheikh Mohamoud, ancien Président de 2012 à 2017. L’organisation des élections a été chaotique, ce qui ne rassure pas sur la stabilité du pays.

Rivalité Farmaajo-Roble

Le nouveau Président Hassan Sheikh Mohamoud.

Élu en 2017, Mohamed Abdullahi Mohamed, surnommé Farmaajo, devient Président de la Somalie. Son mandat devait se terminer en 2021, mais le Président tente de l’étendre. L’opposition proteste et des affrontements armés prennent place dans la capitale dans la capitale en avril 2021. Finalement, Farmaajo renonce à l’extension de son mandat, nomme un gouvernement de transition sous un nouveau Premier ministre, Mohamed Hussein Roble. Des élections doivent avoir lieu le 10 octobre 2021.

Loin de signer une transition calme, les deux hommes se disputent le pouvoir, revendiquant les mêmes prérogatives. Pour ne donner qu’un seul exemple, le responsable des services de sécurité Fahad Yasin est un proche de Farmaajo. Roble décide de le remplacer, Farmaajo le maintient. Dans un contexte de prolongation de mandat, il est difficile de dire à qui appartient le pouvoir juridique. Celui-ci est conditionné au rapport de force, à qui contrôle les forces armées. Les conflits entre Farmaajo et Roble se multiplient. Farmaajo tente même de limoger Roble, ce qui reste finalement sans succès.

Seul un cas semble avoir clairement mis d’accord les deux hommes : la vente de concessions pétrolières à une entreprise américaine, Coastline Exploration. Ce serait le ministre du pétrole qui aurait vendu les concessions, sans l’accord ni du Président ni du Premier ministre.  Ce cas de position commune entre les deux hommes montre malgré tout un délitement de l’autorité, où chaque membre de l’Etat somalien cherche à élargir ses prérogatives et ses marges de manœuvre.

Des élections sans cesse repoussées

C’est dans ce contexte tendu que Farmaajo et Roble se mettent d’accord en apparence pour organiser des élections. Celles-ci sont systématiquement repoussées. Le système somalien est particulier, et à chaque étape, il y a eu des blocages.

La Somalie est un état fédéral, où chaque état fédéré jouit d’une large autonomie. Certains mènent quasiment des politiques étrangères autonomes, comme le Puntland qui est resté proche des Emirats arabes unis lorsque la Somalie était plus proche du Qatar, ou encore le Jubbaland au sud qui a sa propre politique vis-à-vis du Kenya. Chaque Etat envoie un certain nombre de représentants, qui forment le Parlement somalien. Dans le simple fait de nommer les candidats, il y a eu des retards. Certaines nominations ont été invalidées par le gouvernement central. Dans l’Etat de Hirshabelle, le groupe Al Shabaab a assassiné la représentante Amina Mohamed Abdi, le 23 mars 2022.

Suite à des retards répétés, c’est la communauté internationale qui met la pression aux autorités somaliennes. En février 2022, le FMI menace de mettre fin à un programme d’aide au pays si les élections ne sont pas respectées dans les délais. Dans la foulée, les Etats-Unis sanctionnent certains dirigeants somaliens accusés de faire durer le processus électoral pour leur propre intérêt.

Un contexte local compliqué

La Somalie est dans un contexte extrêmement compliqué. Le groupe Harakat Al Shabaab Al Moudjahidin, opère à grande échelle dans le pays. Al Shabaab mène de nombreux attentats, incluant celui sur la député Amina Mohamed Abdi, ou encore contre une base de l’Union Africaine sur le sol somalien, faisant 10 victimes. Le groupe est donc toujours très puissant en Somalie et peut se permettre d’attaquer des forces internationales.

La Somalie a d’autant plus à craindre que les Etats-Unis ont déjà annoncé leur retrait du pays. Les soldats américains sont partis juste avant que Farmaajo ne cherche à prolonger son mandat. Un lien de cause à effet semble évident. La crainte d’un scenario à l’afghane, avec une reprise du pays par Al Shabaab est réelle, bien que la situation soit différente. Les divisions au sein de l’appareil étatique sont telles qu’on voit difficilement comment l’Etat central somalien pourrait mener seul une réponse cohérente au groupe insurgé. C’est donc une lourde tâche qui attend Hassan Sheikh Mohamoud, tâche qu’il n’a pas forcément réussi à accomplir durant son premier mandat.

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