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Diplomatie de l’éthanol et influence brésilienne en Afrique

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La quantité de canne à sucre broyée à destination de l’éthanol au Brésil a battu tous les records la saison dernière. Le Brésil, que la Banque Mondiale évalue comme la 5ème puissance économique mondiale à l’horizon 2025, se sert de son statut de « ferme du monde » comme d’un outil géopolitique. Tourné vers l’Afrique, le Brésil influence sa position en usant notamment de la diplomatie de l’éthanol.

Le ministre de la défense brésilien, Celso Amorim, considère que l’environnement géopolitique immédiat du Brésil est l’Amérique du Sud, mais aussi l’Atlantique Sud qui inclue la côte Ouest de l’Afrique. Dans cette logique, le gouvernement brésilien aime à rappeler la « dette partagée » entre les pays africains et le Brésil, avec ce passé colonial en commun. Le Brésil se sert notamment du CPLP (Communauté des Pays de Langue Portugaise) pour favoriser son implantation dans des pays lusophones comme l’Angola et le Mozambique.

En Afrique, le vecteur principal de l’influence brésilienne passe donc par la diplomatie de l’éthanol (un biocarburant produit à partir de canne à sucre). Le Brésil est le 2ème producteur mondial, derrière les Etats-Unis qui le fabriquent à base de maïs. Le Brésil justifie son action derrière un discours altruiste. La filière éthanol des biocarburants permet une meilleure préservation de l’environnement, et une aide au développement des pays pauvres.

Derrière l’image de coopération et développement, la stratégie du Brésil se décline en trois axes: une influence diplomatique et institutionnelle, l’implantation d’entreprises brésiliennes et la conquête de nouveaux marchés, l’achat de terres. En 2009, L’Embrapa (entreprise brésilienne de recherche agronomique et d’élevage) ouvre un bureau à Maputo au Mozambique afin d’aider à la formation des ingénieurs africains et à promouvoir le bioéthanol sur le continent africain. Procédant à de nombreux transferts technologiques et accompagné d’une forte implication de ses entreprises, le Brésil s’assure de futurs marchés par une certaine dépendance technologique des pays africains. Cela favorise également des débouchés pour la filière brésilienne des véhicules flex fuel. L’achat massif de terres lui permet de développer la culture de la canne à sucre et d’augmenter la production afin d’éviter les pénuries. Par exemple la RDC (République Démocratique du Congo), avec seulement 10% de ses terrains cultivables exploités, a un potentiel qui intéresse les entreprises brésiliennes. D’autres pays comme l’Angola, le Ghana, le Bénin et le Soudan sont également dans le viseur de cette diplomatie de l’éthanol.

Tout cela s’inscrit dans une stratégie globale du Brésil. Sur le continent africain, sa forte pénétration économique lui permet d’avoir de l’influence sur les organisations régionales, particulièrement de libre-échange. Son implantation au Mozambique lui offre également des possibilités de nouveaux débouchés vers l’océan indien et l’Asie. Au niveau mondial, en structurant à sa façon les pays exportateurs d’éthanol, le Brésil peut envisager dans le futur la constitution d’une sorte d’OPEP du pétrole vert dont il serait le chef de file. Entre solidarité culturelle et stratégie commerciale, la diplomatie active Sud-Sud du Brésil en fait de plus en plus un acteur central en Afrique.

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