Haïti, cinq ans après
En janvier 2010, un séisme de magnitude 7,3 frappait l’île de Haïti faisant près de 230 000 morts, 310 000 blessés et 1,5 millions de personnes déplacées. L’élan de solidarité internationale qui a suivi laissait augurer une gestion à long terme coordonnée et concertée avec les premiers bénéficiaires de la reconstruction. En effet, une Commission Intérimaire pour le Reconstruction de Haïti a rapidement été mise en place afin de coordonner les initiatives nationales et d répartir efficacement les fonds récoltés. Cette Conférence Internationale de Donateurs (CID), outil de plus en plus commun de gestion de crise multilatérale, avait ainsi pour objectif de regrouper l’aide à la fois des institutions internationales et des pays donateurs dans un premier temps puis de se muer en agence nationale de reconstruction gérée par les autorités nationales. Au lendemain du séisme les dégâts matériels étaient estimés à 8 milliards de dollars (soit 120% du PIB haïtien). Aux problèmes structurels antérieurs au séisme se sont ajoutés une concurrence internationale visant à se positionner géopolitiquement et géoéconomiquement, reconstruire un pays permettant de favoriser ses normes. De même divers problèmes logistiques (problèmes d’acheminement, méconnaissance du terrain), sanitaires (épidémies, notamment de choléra, accessibilité à l’eau potable) ou encore sécuritaires (évasion de prisonniers, faiblesse de l’État et des forces de polices) ont entravé les premiers efforts de reconstruction.
Une transition entre urgence et développement minée par l’instabilité politique
Si 7,6 des 10 milliards d’aide ont été versés, 80 000 habitants vivent toujours dans des habitations d’urgence et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) fait état d’un besoin d’assistance pour plus d’un million de Haïtien en 2015. Quelques avancés sont perceptibles : 75% des 20 millions de mètre cubes de débris ont été retirés des rues et des milliers de logements ont été construits.
Par ailleurs, l’essentiel de l’aide a favorisé des entreprises privées des pays donateurs (60% de l’aide américaine est ainsi revenue à des entreprises nationales) ou est gérée par les ONG ou institutions internationales. Haïti demeure ainsi dépendante, tout comme avant le séisme, de l’aide extérieure. La faible implication de la population et des organismes locaux dans le processus est également pointée du doigt : l’État gère moins de 10% des fonds liés à la reconstruction. Les actions de développement de long terme (développement des infrastructures, de la gouvernance ou encore du cadre juridique) demeurent insuffisantes et l’ensemble des actions semblent toujours relever de l’aide d’urgence. Le pays a également du faire face au départ de nombreuses ONG après la phase d’urgence et à la « concurrence » d’autres pays en crise (Syrie, Centrafrique, Sud-Soudan).
Enfin, la lenteur de la reconstruction, les détournements et le gaspillage de l’aide ont précipité le pays dans une crise politique. En décembre 2014, des manifestations antigouvernementales ont conduit à la démission du Premier ministre Laurent Lamothe, et l’absence à ce jour d’accord entre l’exécutif et le Parlement n’a pas permis l’entrée en fonction de son successeur. Depuis des manifestations régulières ont lieu dans le pays conteste l’autorité du Président M. Martelly et l’opposition envisage une opération « Burkina Faso » à son encontre. Ce 12 janvier, le mandat du Parlement a pris fin alors que ses membres n’ont pu être renouvelés en raison d’un retard de trois ans dans la tenue des élections. Si une vingtaine de dirigeants politiques ont signé un accord prévoyant l’organisation de nouvelles élections d’ici la fin de l’année 2015, le vide de pouvoir que connaît le pays ne semble pas à même de répondre aux défis, toujours actuels, posés par la reconstruction.