Où en est la politique française en Amérique latine ?
Le président français, dans la continuité de ses efforts d’approfondissement de la présence française en Amérique latine, se rend du 22 au 26 février au Pérou, en Argentine et en Uruguay. Pour historique qu’elle soit (première visite d’un président français au Pérou depuis 1964), ses objectifs demeurent économiques.
Le Pérou, en pleine période électorale, ne semble pas être le lieu le plus propice à nouer des accords, mais demeure néanmoins d’un pays clé pour la France. Les échanges commerciaux ont augmenté de 29% en 2015 par rapport à 2014, pour atteindre 680 millions d’euros. L’îlot de croissance que constitue le Pérou (croissance de 3%, dette publique de 23% du PIB, inflation faible) en fait ainsi un partenaire commercial idéal, que la visite française vise à pérenniser. L’Argentine, en transition depuis l’alternance de décembre 2015, apparaît également stratégique. La rencontre avec Maurico Macri dont la ligne politique s’éloigne radicalement de la présidente sortante C. Kirchner, vise à approfondir les relations dans le domaine économique, culturel et environnemental. Dans un contexte de récession depuis 2014 (-2% de croissance du PIB), l’ouverture économique accrue du pays, troisième puissance du continent, désirée par M. Macri constitue une opportunité pour les industriels français. De même, les condamnations récentes des atteintes aux droits de l’Homme au Venezuela trouvent un écho favorable dans les cercles diplomatiques français. En Uruguay, l’objectif de la rencontre avec Tabaré Vazquez est également de renforcer la coopération, notamment en matière d’économie et de défense (accords de vente de bateaux et d’hélicoptères) dans ce pays entré récemment pour deux ans au Conseil de Sécurité des Nations Unies. La France qui se pose comme une puissance aussi bien européenne qu’américaine – du fait de ses territoires ultramarins – tente ainsi de réaffirmer son positionnement en Amérique latine.
Un continent émergent mais secondaire
Cette tournée sud-américaine de François Hollande, troisième passage sur le continent depuis le début de son mandat, ne fait pas oublier le poids marginal de l’Amérique latine dans la politique étrangère française. Si des relations denses sont régulièrement mises en avant, notamment du fait d’une proximité culturelle avec cet « extrême occident », les échanges commerciaux restent marginaux (2% soit 22 milliards d’euros en 2013). Les échanges sont également typiques de relations entre des pays de niveaux de développement inégaux : la France exporte du matériel aéronautique civil, pharmaceutique et des équipements mécaniques tandis qu’elle importe des matières premières agricoles et des métaux. Parmi les premiers investisseurs dans la région, les IDE français sont néanmoins essentiellement orientés vers le Brésil, le Venezuela et la Colombie. De même, de nombreuses entreprises françaises sont présentes dans ces pays, soit de manière directe soit par le biais de joint-ventures. Une « semaine de l’Amérique latine des Caraïbes » a également été créée en 2014 afin de célébrer et renforcer ces partenariats. Toutefois, cette présence dans le domaine économique doit faire face à l’arrivée de nouveaux acteurs (Chine, Inde) faisant parfois craindre une re-primarisation de l’économie.
L’absence d’enjeux sécuritaires, mis à part la question des FARC, constitue également une des causes de la marginalisation relative du continent dans le discours diplomatique français. Cet espace, loin d’être oublié par la politique étrangère française, constitue au contraire un exemple de coopération pacifiée ayant dépassé la logique d’ « intérêt de possession » pour un « intérêt de milieu ». (F. Charillon). Cela a notamment été rendu possible par le recul du volontarisme idéologique dans les différents pays du continent et le renouvellement des élites politiques. C’est ainsi que les principaux thèmes évoquées par les dirigeants français sur le continent concernent la coopération multilatérale (UNITAID, MINUSTAH, partenariats inter-régionaux) et le développement sociétal (EUROCLIMA, lutte contre la pauvreté et les inégalités).
La France, loin de renouveler son approche en Amérique latine, renforce donc sa logique de partenariats. Toutefois, des sujets de discorde demeurent, à l’image de la politique agricole de l’Union européenne et de la pertinence d’un rapprochement entre l’Union européenne et le Mercosur à l’heure des traités transocéaniques américains.