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Le Népal, vers un scénario haïtien ?

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Alors que le bilan des dégâts n’est pas encore achevé, les intérêts géopolitiques autour de la reconstruction du pays commencent à se manifester

Le scénario à l’œuvre au Népal rappelle déjà à plusieurs égards, une semaine après le tremblement de terre de magnitude 7,8 qui a touché le pays, celui qu’a connu Haïti en 2010. Si le séisme haïtien a fait près de 230 000 morts contre 7000 à ce jour au Népal, les caractéristiques internes du pays et surtout les enjeux que revêt la reconstruction peuvent être analysés de façon parallèle.

Dans ce pays peuplé de 27 millions d’habitants, classé 157ème (sur 187) en termes de développement humain (IDH), 25% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté rendant cette catastrophe naturelle davantage dévastatrice. Si le pays connait en 2014 une croissance de 5,5% du PIB elle est relativisée par une inflation atteignant presque 7%. De plus, alors que le secteur primaire occupe deux tiers de la population et représente 35% du PIB, le pays est régulièrement sujet à des crises alimentaires. Le pays, ouvert à l’extérieur depuis 1951, souffre par ailleurs d’un manque d’investissements étrangers lié à la faiblesse de son administration et de ses infrastructures. Autre fait marquant : dans ce pays où la guerre civile s’est achevée en 2006, plus de 50% de son budget national est issu de l’aide internationale et des remises migratoires, illustrant la fragilité et la faiblesse des institutions. Le secteur tertiaire demeure peu développé malgré des atouts touristiques majeurs (dix des plus hauts sommets du monde et quatre sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO). A ce tableau s’ajoute ainsi désormais le poids de la reconstruction.

Le plus grand chantier du monde en proie à des intérêts divergents

L’effort de reconstruction auquel va devoir faire face le pays est immense : selon les Nations Unies plus de 300 000 habitations doivent être reconstruites et 8 millions des habitants sont affectés par ce séisme. Selon le ministre des finances, deux milliards de dollars seront nécessaires pour la reconstruction des habitations, des hôpitaux, des bâtiments administratifs et historiques. A plus long terme les besoins avoisineraient les 5 milliards d’euros. A ce jour la communauté internationale a promis 19,5 millions d’euros.

A court terme des besoins plus pressants et pratiques se font jour : l’acheminement de l’aide est problématique notamment du fait de la petite taille de l’aéroport du pays mais également de l’arrivée massive et anarchique de l’aide. A cet égard de nombreux observateurs rappellent qu’un des problèmes qu’a connu Haïti après le séisme a été l’encombrement et l’inefficacité des aides envoyés du fait d’une mauvaise gestion logistique. Les intérêts divergents des acteurs en présence accentuent également cette lenteur de l’acheminement de l’aide. Ainsi, l’Inde et la Chine puissances rivales dans ce pays s’affrontent désormais sur le terrain de la reconstruction, rappelant les rivalités entre l’Union européenne, et notamment la France, et les Etats-Unis en Haïti. Des responsables indiens signalent déjà que la Chine plante des drapeaux dès qu’un chantier est inspecté. L’Inde considère que le Népal, dont la monnaie est indexée sur la roupie indienne, fait partie de sa sphère d’influence, notamment, du fait de sa majorité hindoue. La Chine considère quant à elle cet espace comme stratégique en raison de sa proximité avec le Tibet. La reconstruction du pays verra ainsi s’affronter ces deux puissances, l’enjeu de la lutte étant l’extension du positionnement régional de chacune, peut-être au détriment du peuple népalais.

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