Renforcement du partenariat économique sino-britannique
Le chancelier de l’Echiquier George Osborne, est arrivé en Chine le 20 septembre dernier pour une visite officielle de cinq jours à l’occasion du septième China-UK Economic and Financial Dialogue. Ce déplacement, ainsi que ses déclarations, ont fait couler beaucoup d’encre en Grande-Bretagne. Ce rapprochement avec le géant communiste ne satisfait pas tout le monde.
Peu de temps après sa nomination au sein du cabinet de David Cameron, le ministre chargé des finances et du trésor du Royaume-Uni avait résumé sa position au sujet des relations entre la Chine et son pays. En effet dès un voyage organisé à l’automne 2013, il avait déclaré « China is what it is. We have to be here or nowhere. » (1). Il n’est donc pas vraiment étonnant de retrouver G. Osborne, deux ans plus tard, dans le rôle de l’homme d’Etat occidental le plus ouvert à des accords économiques poussés avec la Chine.
Les discussions ont porté sur un sujet important pour l’économie britannique : l’énergie nucléaire. G. Osborne a annoncé pendant sa visite qu’un investissement de près de 3 milliards de dollars avait été sécurisé pour la centrale Hinkley Point C (Bridgwater, sud-ouest de l’Angleterre). Cette somme est déterminante pour ce contrat, dans lequel se sont engagés EDF, China General Nuclear Power Corporation (CGN) et la Compagnie nucléaire nationale chinoise (CNNC). Elle pourrait même donner un nouveau coup de fouet à ce projet qui progresse péniblement depuis 2012. Cette participation ne serait que le début de l’implantation de la Chine dans le nucléaire anglais. A terme, des entreprises chinoises pourraient posséder une autre centrale à Bradwell (sud-est de l’Angleterre).
Cependant, favoriser les intérêts économiques du pays, par rapport aux droits de l’Homme pourrait s’avérer être un pari risqué pour G. Osborne, et D. Cameron.
En étant le parfait VRP pour la Grande-Bretagne, G. Osborne est passé outre la question des droits de l’Homme. C’est en partie ce que la presse britannique lui a reproché : le sujet n’a pas été évoqué une seule fois lors de son séjour en Chine. G. Osborne cherchait sûrement à ne pas froisser ses interlocuteurs. C’est aussi certainement ce que D. Cameron avait en tête lorsqu’il a refusé de rencontrer le Dalaï Lama début septembre, alors que le tibétain était en Angleterre. En 2012, une entrevue entre D. Cameron et le Dalaï Lama avait profondément refroidi les relations entre les deux pays. Il faut que tout aille pour le mieux, avant la visite du Président Xi Jipping en Grande-Bretagne, prévue à la mi-octobre.
Miser sur un fort partenariat économique pourrait être un véritable coup de poker diplomatique de G. Osborne, perçu comme un successeur potentiel de D. Cameron. Il serait possible qu’il mise sur ces futurs liens étroits, pour ensuite pouvoir avoir une certaine influence sur le pays, et donc, pouvoir obtenir de véritables avancées pour le respect des droits de l’Homme en Chine. Cela expliquerait aussi pourquoi la Grande-Bretagne a décidé de rejoindre la Banque asiatique d’investissement en mars, qui défie directement le FMI. Cette décision avait été vue d’un mauvais œil par les Etats-Unis. Les relations entre la Grande-Bretagne et son allié historique pourraient se détériorer si l’axe sino-britannique continue à se renforcer. En outre, cela n’améliorera pas le dialogue entre le Royaume-Uni et le reste de l’Union européenne.
Bien avant les inquiétudes des partenaires actuels du Royaume-Uni, ce sont aussi celles des électeurs anglais qui sont primordiales. Est-ce que ceux-ci vont accepter facilement le fait que la Chine ait des intérêts économiques dans un domaine ayant un lien direct avec la sécurité nationale ? S’ils ne l’acceptent pas, ils pourraient remettre en question leur loyauté envers le Parti conservateur. Déjà, les Libéraux-démocrates mettent l’accent sur l’importance du respect des droits de l’Homme, tandis que le Parti travailliste dit que l’Etat pourrait financer lui-même ces projets, sans avoir à devenir dépendant des investisseurs chinois. D’autres membres de la classe politique agitent le risque de l’espionnage industriel.
Le gouvernement conservateur veut donc que le Royaume-Uni soit le « meilleur partenaire de la Chine à l’Ouest », comme l’a formulé G. Osborne. Même si cela représente des retombées économiques bénéfiques pour le pays, ce virage vers l’Est ne fait pas l’unanimité.
(1) « La Chine est ce qu’elle est. Nous devons être ici ou nulle part. »