Les menaces sur la sécurité alimentaire chinoise
Les difficultés du secteur agricole couplées aux problèmes récurrents de pollution font planer des menaces sur la sécurité alimentaire en Chine. Depuis quelques années, les autorités ont infléchi la politique agricole afin d’enrayer cette spirale négative. Paradoxalement, ces décisions interviennent alors que les stocks de grains chinois atteignent des niveaux jamais réalisés.
Avec ses presque 1,4 milliard d’habitants, la Chine a réussi, jusque dans les années 2000, à atteindre l’autosuffisance alimentaire, tout en réduisant la part de population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Cependant, les transformations rapides du pays, marquées par un exode rural massif et une forte croissance économique, ont influé sur les modes de production agricole et sur les habitudes de consommation des chinois. La demande de produits animaux (viande, lait, œufs) a crû de manière exponentielle et de manière concomitante avec le pouvoir d’achat des foyers chinois. La consommation de ces produits animaux a ainsi doublé depuis les années 1990, atteignant plus de 600 kilocalories par jour et par habitant en 2013.
Retenir les agriculteurs
Depuis 2003, la Chine est devenue importatrice de produits agricoles et alimentaires : 13% des importations mondiales de poudre de lait en 2015 ont été réalisées par la Chine alors que ce taux était aux alentours de 2% encore en 2008. La stratégie chinoise d’intensification de la productivité de son agriculture se heurte aux difficultés à retenir suffisamment de main-d’œuvre dans les campagnes, alors que les salaires en ville sont plus élevés et les conditions de vie plus attrayantes. Pékin a simplifié le mécanisme de transfert des terres, afin qu’un agriculteur qui cesse son activité puisse plus facilement louer ou vendre son droit d’usage (terres agricoles sont collectives et non privées). Le gouvernement chinois a également supprimé les soutiens aux prix du soja, du coton ou du maïs pour les remplacer par des aides directes aux agriculteurs. Cette dernière mesure a pour objectif de baisser le prix intérieur des produits agricoles chinois et d’encourager les industriels locaux à se détourner des importations de maïs russe et de substituts moins onéreux, tels que l’orge et le sorgho.
Les menaces sur les ressources naturelles chinoises
Le problème de l’agriculture chinoise réside notamment dans des contraintes hydriques toujours plus importantes alors que plus des deux tiers des grains chinois sont déjà cultivés sur des surfaces irriguées. Malgré 20% des réserves d’eau mondiale, la Chine voit ses ressources en eau réparties de manière très inégale. Ainsi, les régions arables au nord du fleuve Yang-Tsé-Kiang sont confrontées à l’assèchement progressif des nappes phréatiques. La part des réserves d’eau accordées à l’agriculture diminue d’année en année devant la hausse de la demande industrielle et des particuliers. De plus, le système d’irrigation est assez inefficace et fait l’objet de lourds investissements afin d’être modernisé. Des techniques plus économes, comme le goutte-à-goutte, devraient gagner les trois quarts des surfaces irriguées chinoises à l’horizon 2030. Enfin, l’eau chinoise est de mauvaise qualité et on estime à 6% la part des surfaces irriguées avec de l’eau polluée. Les industries urbaines font partie des coupables, tout comme le secteur agricole qui, par son utilisation massive d’engrais et de pesticides, contribue lui-même à ses propres difficultés.
Par ailleurs, l’idée de la présence de larges surfaces cultivables en Chine est à fortement nuancer. En effet, malgré 121 millions d’hectares, la surface agricole, ramenée au nombre d’habitants, est très éloignée de la moyenne mondiale (0,1 ha/habitant en Chine contre 0,24 ha/habitant en moyenne dans le monde). Ces terres insuffisantes sont également victimes d’une forte pollution à des substances nocives telles que l’arsenic ou le nickel.
Vers une agriculture raisonnée ?
L’arrivée de Xi Jinping au pouvoir et le XIIIème plan quinquennal chinois (2016-2020) ont orienté l’agriculture vers une exploitation plus raisonnée. Un classement en « terres agricoles permanentes » de certaines surfaces est également prévu afin de protéger les terres les plus fertiles de l’urbanisation. En outre, les engrais naturels sont désormais promus en remplacement des engrais chimiques. Les scandales alimentaires tels que la découverte des cadavres de porcs dans un fleuve près de Shanghai en 2013 ou le riz pollué au cadmium dans la province du Hunan, ont encouragé ces décisions.
Le rapide développement économique de la Chine a longtemps éclipsé les problèmes d’environnement et de santé publique. La principale conséquence de cette prise de conscience est que le pays n’atteint plus tout à fait l’autosuffisance alimentaire, alimentant un risque de dépendance alimentaire. Une autre solution est la promotion récente des recherches sur les OGM, notamment sur le soja et le maïs, qui étaient encore interdites sur de nombreux produits jusqu’à l’année dernière.