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Dialogue avec les Talibans : la Chine avance ses pions

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Entre communistes et islamistes, le fossé ne saurait être plus vaste. Pourtant, la Chine aurait repris, selon le Financial Times, des négociations avec les Talibans, interrompues deux ans plus tôt. Alors que les Etats-Unis sont embourbés dans ce qui est devenu le plus long conflit de leur histoire, la Chine cherche à se positionner en Afghanistan. Il en va de la stabilité de ses frontières, tout comme de la province du Xinjiang, où vit la minorité musulmane des Ouïghours. Mais les « Nouvelles routes de la soie », ainsi que la recherche par Pékin d’une stature diplomatique internationale, jouent également un rôle fondamental dans la reprise du dialogue avec les Talibans.

Sécuriser la province du Xinjiang

Talibans occupant une position sur une artère routière afghane

Pour Pékin le principal enjeu est, aujourd’hui, sécuritaire. Alors que la minorité ouïghoure menace la stabilité de la province du Xinjiang, une des réponses de la Chine se trouve en Afghanistan. En effet, limitrophe du Xinjiang, l’Afghanistan sert de base arrière aux rebelles et terroristes qui contestent la présence chinoise. Entre 1996 et 2001, lorsque les Talibans dirigeaient l’Afghanistan, les islamistes ouïghours y avaient leurs camps d’entraînement. A l’heure où l’Etat afghan, porté à bout de bras par la coalition occidentale, peine à affirmer son autorité sur l’ensemble du territoire, les Talibans apparaissent comme un partenaire plus efficace pour contrôler l’activité des rebelles ouïghours. Et ce d’autant plus que les Talibans se profilent de plus en plus comme d’irréductibles adversaires de l’Etat Islamique, qui attire un nombre croissant d’Ouïghours. Plus qu’une remise en cause du « Mécanisme de coordination et de coopération quadrilatéral » signé en 2016 avec le Pakistan, le Tadjikistan et l’Etat afghan pour lutter contre le terrorisme, il faut y voir un canal supplémentaire, et potentiellement plus efficace, pour stabiliser le Xinjiang. C’est également le sens des programmes antiterroristes de l’Organisation de Coopération de Shanghai et la construction d’une base militaire chinoise dans la province afghane du Badakhchan.

Des enjeux économiques et géopolitiques à plus long terme

Au-delà de l’aspect sécuritaire, l’aspect économique est également crucial. La Chine est le premier investisseur en Afghanistan, et contrôle à travers diverses entreprises d’importants gisements de cuivre et de fer, dont la mine de cuivre de Mes Aynak, la deuxième plus importante au monde, aux ressourcés estimées à 100 milliards de dollars. De précédentes négociations avaient déjà porté sur la sécurité de l’exploitation de ces sites, et les Talibans avaient proclamé unilatéralement, en 2016, considérer Mes Aynek comme étant sous leur protection car d’intérêt national. A moyen-terme, Pékin souhaite aussi arrimer l’Afghanistan à la Belt & Road Initiative (BRI), ou « Nouvelles routes de la soie », afin d’étendre un réseau qui, pour rallier la Chine à l’Europe, englobe déjà l’essentiel de l’Asie centrale. D’une part, intégrer l’Afghanistan à la BRI renforcerait le corridor routier et ferroviaire entre le port pakistanais de Gwadar, aménagé par la Chine, et le Xinjiang, car le relief est bien plus praticable à la frontière sino-afghane. D’autre part, cela permettrait de rallier l’Iran, sixième fournisseur en pétrole de Pékin, puis la Turquie. Le dialogue avec les Talibans faciliterait cette extension en accélérant le processus de paix intra-afghan.

D’un point de vue géopolitique et diplomatique, la Chine compte, par ce dialogue, damer le pion à ses deux principaux concurrents dans la région, Washington et New Delhi. Cette dernière cultive ses relations avec Kaboul, notamment en finançant des infrastructures routières, scolaires et sanitaires. Une aide très appréciée en Afghanistan, mais qui a le don d’exaspérer Islamabad, qui a toujours considéré son voisin afghan comme son arrière-cours, afin d’acquérir une « profondeur stratégique ». Or, le Pakistan est vu à Pékin comme un allié solide, davantage encore avec l’élection d’Imran Khan, et a toujours entretenu des liens plus ou moins avoués avec les Talibans. De quoi intéresser les stratèges chinois. Vis-à-vis des Etats-Unis, et des Occidentaux, plus généralement, englués depuis des années dans le bourbier afghan, Pékin cherche à montrer qu’elle est un acteur incontournable et davantage capable d’apporter des solutions aux conflits régionaux. Dans une optique de long terme, cela mettrait en évidence le rôle diplomatique croissant de la Chine : dans un monde multilatéral, la Chine s’inscrit comme une alternative diplomatique aux Occidentaux, prête à négocier avec tous les acteurs – même des groupes islamistes -, tout en s’élevant au rang de parangon de la non-ingérence, à l’opposé des Occidentaux. Toutefois, jouer la carte des Talibans ne sera pas suffisant, voire, in fine, contre-productif, comme les Américains l’ont appris à leurs dépends dans les années 1990.

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