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Les infrastructures de l’après-guerre: le Sri Lanka à l’ombre de la Chine (2/4)

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Sortie victorieuse en 2009 de la guerre civile sri-lankaise aux cotés du gouvernement de Mahinda Rajapaksa, la Chine profite de sa relation privilégiée avec l’homme d’État pour avancer ses pions au Sri Lanka, et récupérer, par le biais d’entreprises de construction chinoises, les principaux contrats d’infrastructures visant à moderniser l’île émeraude.

La porte 2 du port de commerce de Hambantota, au Sri Lanka, une des infrastructures sino-sri lankaises les plus célèbres du Sri Lanka.
La porte 2 du port de Hambantota, au sud du Sri-Lanka © Lucas Leclercq

Une île exsangue

La guerre civile sri-lankaise (1983-2009) laisse derrière elle un spectacle de désolation et un sentiment de colère, en particulier au nord et à l’est de l’île, lieux des principaux affrontements entre les forces gouvernementales et les Tigres tamouls. Les bombes ont ravagé la jungle, des mines antipersonnel parsèment les champs, de nombreux villages sont en ruines, les infrastructures de transport (ponts, routes, voies ferrées) endommagées, et selon l’Organisation des Nations unies (ONU), le conflit a fait entre 80 000 et 100 000 victimes.

Le Sri Lanka se retrouve ainsi en 2009 au 97e rang mondial pour l’indice de développement humain (IDH), jouit d’une image écornée sur la scène internationale en raison des exactions commises par l’armée sur les populations civiles, et la reconstruction de ces zones sinistrées est estimée à plus de 2,5 milliards de dollars. Pour surmonter ces difficultés, le président sri-lankais Mahinda Rajapaksa (2005-2015) souhaite souffler un vent de modernité sur son pays grâce à la construction de grandes infrastructures, en priorité dans les secteurs du transport et de l’énergie, pour donner l’image d’un pays moderne, bâtisseur, et en paix.

Construire des infrastructures avec l’argent chinois

Ouvertement favorable à Pékin, son principal allié lors de la victoire finale contre les Tigres tamouls, Mahinda Rajapaksa se tourne vers la Chine pour obtenir les fonds nécessaires à la construction de ces grandes infrastructures. Dès août 2005 en réalité, soit pendant la guerre civile, le gouvernement de Rajapaksa signe un prêt de 300 millions de dollars avec la Banque d’importation et d’exportation de Chine pour financer la première phase de construction de la centrale à charbon de Norocholai, censée fournir, à terme, de l’électricité à la majeure partie de l’île. Ce prêt n’est que le premier d’une longue série. Le Sri Lanka emprunte au total plus de 7,8 milliards de dollars entre 2009 et 2018 à différentes banques et organismes chinois.

Ces prêts chinois se déclinent sous plusieurs formes : des prêts de projet (project loans) destinés à financer uniquement le projet en question, et des prêts publics (term financing facilities) pour lesquels la gestion de l’argent devient beaucoup plus souple puisqu’elle ne dépend pas de la réalisation d’un projet. Les prêts sont accordés à des taux relativement bas (autour de 2 à 3 %) lorsque la Chine considère le projet en question viable économiquement, mais à l’inverse, si elle estime le projet risqué, les taux sont souvent plus élevés (autour de 6 %). Le secteur qui bénéficie le plus de ces financements étrangers n’est autre que celui des transports.

Les entreprises chinoises à l’assaut des infrastructures sri-lankaises

L’implication de la Chine dans le développement du Sri Lanka post-guerre civile ne se cantonne pas à l’accord de prêts. Des entreprises de construction chinoises participent également au développement des principales infrastructures sri-lankaises, car il s’agit bien souvent d’une condition sine qua non à l’obtention des prêts. Ainsi, quand la Banque d’exportation et d’importation de Chine prête au Sri Lanka 1,33 milliard de dollars en plusieurs prêts à taux variables (2 à 6 %) pour construire le port de Hambantota au sud de l’île à partir de 2007, elle oblige le Sri Lanka à accepter la China Harbour Engineering Company comme entreprise en charge de la direction des travaux.

Ce procédé se retrouve dans les autres chantiers sri-lankais d’envergure : plusieurs entreprises chinoises se voient confier, en 2015, les travaux de l’extension de l’autoroute E01 après que la China Exim Bank ait délivré plusieurs prêts pour un montant total avoisinant 1,5 milliard de dollars. Une partie du terminal à conteneurs de Colombo, l’aéroport de Mattala et la centrale à charbon de Norocholai ont également bénéficié de financements provenant de la China Exim Bank au moment de leurs constructions, et de nouveau, des entreprises chinoises ont participé de manière active aux travaux. La China Merchants Port Holding s’est occupée du terminal à conteneurs de Colombo (2011-2014) , la China Harbour Engineering Company a construit l’aéroport de Mattala  (2009-2013) et la China Machinery Engineering Corporation a élevé la centrale électrique de Norocholai (2006-2014).

Si la Chine s’implique autant dans les projets de développement d’infrastructures de transport, c’est parce qu’elle ambitionne de faire du Sri Lanka la perle du corridor maritime de ses Nouvelles routes de la soie.

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