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Et si la prochaine bulle était chinoise ? Craintes sur le shadow banking et le modèle de croissance

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La crise a laissé derrière elle son lot de cadavres. Progressivement, elle quitte le Nord développé pour l’Est décollé. Pékin a ressenti quelques secousses fin juin sur son marché interbancaire : ultime avertissement. Le Shibor overnight, lieu d’échange d’actifs financiers à court-terme pour les banques chinoises, est monté en quelques heures de 3,3% au taux record de 13,44%  sous la rumeur d’une cessation d’injection de liquidités de la Banque centrale chinoise. Pourtant, la dette chinoise reste bien en-deçà des niveaux de dettes de l’OCDE (à niveau de développement inégal) et ses réserves de changes de 3 440 milliards de dollars sécurisent sa position. Alors pourquoi cet emballement ?

Alors que la croissance a ralenti à 7,7% au premier trimestre, les montants de financement (social financing) ont grimpé dans le même temps de 62%.  L’usage des crédits est inefficace car ils se détachent de l’économie réelle et nourrit une économie de la spéculation. Pour comprendre ce phénomène, il faut analyser le système de financement chinois, hérité du communisme.

Le crédit bancaire est presque exclusivement alloué aux entreprises publiques et parapubliques : en sont exclus les ménages et les petites et moyennes entreprises privées. Pour se financer, ces entreprises, privées du recours obligataire, véritable monopole d’Etat, ont recours au shadow banking : des prêts non-régulés engageant de très faibles montants à des taux d’intérêt très élevés. On estime la taille de ce circuit hors contrôle à 20% du PIB chinois. Les banques, enserrées dans des ratios de réserves obligatoires, jouissent de ce système par ces opérations hors-bilan : elles créent des produits structurés complexes pour attirer l’épargne des ménages puis l’investir dans des sociétés fiduciaires afin d’accorder des crédits (trusted loans) aux entreprises. Comme un goût de déjà-vu.

Exclus du crédit bancaire, les promoteurs immobiliers et les collectivités locales jouent sur ce terrain pour s’endetter grâce aux plates-formes de financement et financer l’érection d’infrastructures et de projets immobiliers pharaoniques. Moody’s estime la dette des collectivités chinoises à 2 500 milliards d’euros. De quoi nourrir la bulle immobilière. Or ces crédits sont gagés sur les revenus futurs d’infrastructures non rentables et sur leur valeur immobilière … en pleine chute (-41% à Shanghai en 2011). Pour rembourser leurs dettes précédentes, elles empruntent à nouveau.

La banque centrale chinoise a voulu siffler la fin de la récréation avant de revenir sur ses pas ; elle a annoncé ainsi un changement majeur.

Cette crise révèle les vices du système chinois :

–          Une demande contractée car les premiers employeurs (entreprises privées) répercutent leurs coûts de financement sur les salaires ;

–          Une économie dopée à l’investissement (49% du PIB en 2011) pour compenser le recul des exportations qui nourrit une bulle immobilière et bancaire immense.

Pour renforcer la croissance,  le gouvernement veut renforcer la consommation et limiter les investissements. Le temps presse car avec une croissance de 7,7% dont on envisage encore le recul, le chômage risque d’augmenter en Chine. La crise économique portant en elle, « comme la nuée porte l’orage », une crise politique.

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