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La BCE change de rôle : adieu l’austérité, vive la croissance!

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Depuis quelques mois, l’Europe a abordé un précipité dangereux pour son avenir. La Grèce nage dans les abîmes tandis que l’Espagne, l’Irlande, le Portugal, l’Italie l’observent depuis le plongeoir. Tous le savent : l’année 2012 sera marquée par la récession. La baisse des dépenses publiques donc des investissements et des dépenses sociales contractera la croissance alors que la hausse du chômage, entraînant une baisse des salaires réels, réduit la solvabilité des ménages et par conséquent restreint l’accès au crédit.

Les objectifs d’une telle politique, pour terrible qu’elle paraisse aux yeux des citoyens européens, ont un double objectif : réduire les déficits publics et réduire les déficits extérieurs. Le dispositif, mis en place depuis 2009, est très clair : pendant que la BCE agit sur le marché obligataire pour faire baisser les taux d’intérêt pesant sur les Etats grâce aux rachats directs ou indirects des dettes publiques nationales (par le repo 3 ans illimité), les gouvernements nationaux enclenchent une série de réformes plus austères que jamais pour réduire les déficits extérieurs et publics. Que la BCE agisse directement sur les marchés tient déjà du miracle. Les Allemands l’ont accepté, contre la certitude que chaque pays respecte la « règle d’or » européenne. En résultent des politiques d’austérité de grande envergure bicéphales. Tout d’abord ces politiques visent à contracter les dépenses publiques et augmenter les recettes fiscales pour réduire le déficit public. Simultanément, elles souhaitent réduire les salaires afin de diminuer le coût du travail mais aussi profiter de cette chute de la demande intérieure pour baisser les importations donc améliorer le déficit extérieur.  En théorie économique, tout fonctionne. Sauf que la réalité est bien différente.

La chute des salaires réels entraîne une baisse de la demande intérieure donc de la croissance. Un pays à la croissance plus faible, c’est un pays qui souffre d’autant plus à rembourser son déficit public. Mais un pays en crise sociale, en proie au chômage, au non-paiement des impôts, aux grèves, c’est un pays favorisant les extrémismes. La BCE peut maîtriser la liquidité européenne, la BCE peut quantifier les dettes nationales. Mais la BCE ne peut contrôler le mécontentement social.

Voilà le point noir de la stratégie technocratique de Bruxelles : cette opération de la BCE sur les marchés financiers, histoire de gagner du temps, d’attendre le retour du soleil de la croissance, risque de durer longtemps ! Les pays européens sont désindustrialisés, en proie au chômage, accrocs aux importations de produits à bas coûts venus des pays émergents, en panne d’innovation. Les réformes mettront du temps, trop de temps pour avoir leurs premiers effets. Et le temps laisse fermenter des contestations âpres, sociales, plus légitimes que jamais, qui estompent le sentiment européen déjà fantôme et menacent les stabilités nationales. La BCE doit agir.

Cette situation inextricable, la BCE l’a comprise. C’est tout le sens de l’annonce, hier, de Mario Draghi : « nous devons revenir en arrière et faire un pacte de croissance ». Agir pour la croissance et contre la hausse des taux d’intérêt. Mais l’Allemagne va-t-elle l’accepter ? Elle a tant à perdre…tout comme la BCE.

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