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Sanctions à l’encontre de la Russie : quels enjeux ?

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Le  29 juillet, les Etats-Unis et l’Union européenne ont  adopté , suite au crash du vol MH 17 à l’est de l’Ukraine, des sanctions économiques visant à faire cesser le soutien présumé de la Russie aux séparatistes ukrainiens soupçonnés d’être à l’origine de cet accident.

Les sanctions adoptées sont d’ordre économique (restriction de l’accès russe aux marchés européens et des citoyens européens aux actions financières émises par des banques russes) ; militaire (embargo sur l’import et l’export des armes ainsi que des biens et technologies à usage militaire) et portent également sur les équipements relatifs à la technologie et l’énergie (exportations soumises au veto des Etats membres). Il s’agit du « troisième niveau » (1) des sanctions prévues par l’UE dans le cadre de la crise ukrainienne. A cela s’ajoutent des restrictions spécifiques concernant la Crimée et Sébastopol : les nouveaux investissements dans les secteurs stratégiques (infrastructures de transports, télécommunication et exploitation des ressources énergétiques) y sont interdits. La liste noire de l’UE concernant des proches des autorités russes et des anciennes autorités ukrainiennes a également été complétée. Ces sanctions d’une ampleur inédite risquent d’affecter particulièrement l’économie russe déjà essoufflée : à une croissance nulle, s’ajoutent pour le premier semestre 2014 une fuite de capitaux importante (56,6 millions d’euros) et une baisse de 50% des investissements étrangers.

Les sanctions à l’épreuve de la realpolitik

Si ces sanctions touchent des secteurs clé de l’économie russe, le gaz, dont les pays de l’UE sont fortement dépendants, a été exclu de leur champ. De même les sanctions dans le domaine militaire, si pertinentes soient-elles, n’affecteront que faiblement la Russie, les armées européennes ne se fournissant que très peu auprès de cette dernière. Les sanctions touchant le secteur financier auront elles un effet plus concret la Russie dépendant fortement du contexte international. Elles pourraient aussi avoir un effet domino comme le craignent certains officiels russes suite à l’expulsion de touristes russes de Turquie, la cessation d’activité d’une des filiale de la compagnie  aérienne nationale Aeroflot et une chute du rouble de 11%.Ces sanctions pourraient également avoir un effet géoéconomique notable en renforçant les relations commerciales entre Pékin et Moscou, permettant à la première d’asseoir sa puissance et à la seconde de diversifier ses sources d’approvisionnement.

Les intérêts de chacun des Etats membres ont par ailleurs constitué un frein à la mise en œuvre des sanctions, rappelant leur caractère géopolitique et stratégique. Les grandes puissances européennes ont été divisées sur les sanctions à prendre dans le souci de préserver leurs intérêts stratégiques. L’Allemagne dispose d’importants intérêts dans le secteur énergétique, le Royaume-Uni et sa place financière londonienne sont nu lieu d’accueil des capitaux russe et l’industrie de l’armement française dispose de nombreux contrats avec la Russie. Les mesures prises n’ayant pas rétroactives, la France a d’ailleurs indiqué qu’elle livrerait le porte-hélicoptères Mistral négocié en 2011 et déjà payé par la Russie.

Enfin, la dissymétrie entre l’UE et la Russie limite le contrecoup des sanctions : l’UE représente la moitié des exportations russes tandis que la Russie ne représente que 7% des exportations européennes. Cela n’empêche le risque de représailles de la part de la Russie qui considère ces mesures comme « illégitimes » et « anti-russes ». Le pays a menacé de limiter les importations de certains fruits en provenance de l’UE et des Etats Unis pour des raisons sanitaires. Cela affecterait de façon différenciée les économies européennes : la Belgique, dont la Russie est le premier acheteur de fruits, serait par exemple particulièrement affectée. Si la portée des sanctions économiques est en soi contestable et constituent une mesure nécessaire, elles restent dominées par les intérêts de chaque pays et risque d’en limiter la portée.

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(1)   Le premier niveau de sanctions internationales à l’encontre de la Russie a consisté en son exclusion du G8 et la limitation de son rapprochement avec l’OCDE, des rencontres bilatérales et un arrêt des négociations sur un accord global et un assouplissement des visas ; le second niveau a lui consisté en une interdiction de territoire, un gel des avoirs et l’établissement d’une liste noire de personnalités proches du président russe et des anciennes autorités ukrainiennes.

 

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