Espoirs et réalité : quelle est la situation de la Grèce et de Syriza après l’alternative qui devait être radicale ?
Un mois et demi après l’accession au pouvoir d’Alexis Tsipras et l’arrivée fracassante de Syriza aux manettes un bilan s’impose : le parti de la rupture a-t-il réussi à tordre le bras de Bruxelles et à mettre en place les réformes qu’il avait promises ?
Février fut un mois de grande tension pour la Grèce et l’Eurogroupe. En effet, les ministres de l’économie des pays européens membres de la zone euro ont étudié à plusieurs reprises les différentes propositions de Tsipras et de son ministre de l’économie Varoufakis. La question était de savoir si la Grèce allait accepter l’extension du plan d’aide européen pour quatre mois, et donc implicitement si elle allait se plier aux exigences de réformes de l’Eurogroupe. Une liste de réformes est arrivée in extremis et proposait un programme à mi-chemin entre les revendications de Syriza et les exigences de Bruxelles. Les nouveaux dirigeants grecs ont arrêté les politiques de privatisation, imposé que ce soient eux qui proposent les réformes à Bruxelles et que les experts européens ne viennent plus dans les ministères pour expliquer quoi faire. Ils ont aussi décidé de la fourniture d’électricité aux familles dans le besoin, de l’accès aux soins pour les plus défavorisés, de la distribution de coupons alimentaires, d’aides au transport et de soutien aux petites retraites. Ils ont promis d’aller chercher l’argent dans la lutte contre l’évasion fiscale et contre la corruption. La Grèce étant au bord de la faillite, l’Eurogroupe a finalement donné un accord temporaire.
Mais la Grèce manque déjà d’argent : il lui faut 6 milliards d’euros pour mars dus à une chute des recettes en janvier et aux remboursements à effectuer à Washington et au FMI. Tsipras a alors permis à la BCE de regarder dans ses comptes et a demandé à son ministre de l’économie d’être moins bruyant. Les autorités européennes semblent comprendre la mesure de la situation en Grèce et Jean-Claude Juncker a demandé plus de tolérance envers le pays.
En fin de compte le premier danger pour Syriza semble venir de sa base et non de Bruxelles.
En effet, la contestation monte au pays. La gauche reproche à Tsipras d’avoir cédé à Bruxelles alors qu’il avait promis de se débarrasser de la tutelle européenne. Le fait que la Troïka soit désormais qualifiée « d’institutions » et que ce soit les grecs qui aillent présenter leurs réformes à Bruxelles et non Bruxelles qui vienne en Grèce est considéré comme une hypocrisie au sein même de Syriza. La droite souverainiste critique tout autant le gouvernement alors qu’elle fait partie de la coalition au pouvoir. Tsipras doit négocier cette période difficile des 6 mois où il doit se légitimer auprès des européens sans pour autant perdre sa base électorale tout en trouvant de nouvelles recettes et en essayant d’appliquer son programme. Un exercice encore plus difficile lorsque son ministre de l’économie avait déclaré dans une conférence il y a deux ans que le meilleur choix était de déclarer le pays en faillite et de laisser à l’Allemagne le soin de gérer le chaos qui en résulterait.