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Bâtir une armée européenne (1/2)

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En mars 2015, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker appelait de ses vœux la création d’une armée européenne. Par son intervention médiatique, il relançait ainsi le sempiternel débat sur la construction d’une Europe puissance, dotée d’une armée commune. Véritable serpent de mer de la politique de l’Union européenne, la constitution d’une armée européenne est aujourd’hui davantage une idée qu’une réalité. Il s’agit d’une lacune dans la diplomatie européenne qui manque de consistance face aux grandes nations, munies d’un hard power conséquent comme les États-Unis, la Russie ou la Chine.

Federica Mogherini, la Haute Représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

La longue histoire de la défense européenne

Au milieu du XXe siècle, l’Europe avait déjà tenté d’édifier une armée commune. La Communauté européenne de défense en dessinait les contours dès 1950, à l’initiative des pères fondateurs de l’Union européenne, Jean Monnet et Robert Schumann. Malgré la signature du traité en 1952 par les six États de la CECA, l’Assemblée nationale française refuse de le ratifier en 1954, enterrant la première ébauche d’une défense européenne. Le traité prévoyait l’élaboration d’une armée intégrée sous commandement commun. Toutefois, le Conseil des ministres en charge de diriger l’armée européenne était lui-même subordonné à l’OTAN. C’est Washington qui aurait ainsi fixé la politique de défense et d’acquisition des armements ce qui aurait obligé la France à stopper son programme nucléaire militaire, la privant alors de son indépendance stratégique. La Communauté européenne de défense telle qu’elle était présentée dans le traité non ratifié n’était plus que l’ombre du projet conçu par Jean Monnet qui souhaitait une armée européenne, placée sous l’autorité d’un ministre européen de la défense, sous le contrôle d’une assemblée européenne et disposant d’un budget militaire commun. Seulement, même Jean Monnet ne proposait pas de CED hors OTAN.

Les acquis de l’Europe de la défense

À ce jour, l’Europe a constitué un embryon de dispositif de défense. Le Haut-Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, actuellement Federica Mogherini, coordonne et exécute la Politique étrangère de sécurité commune (PESC) et son bras opérationnel : la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Le Haut-Représentant s’appuie sur le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) pour permettre à l’Union européenne de parler d’une seule voix sur la scène internationale. Néanmoins, le SEAE ne constitue pas un ministère européen des Affaires étrangères et n’a pas vocation à se substituer aux chancelleries des États membres de l’UE. En outre, dès 2000, l’UE se dote d’institutions lui permettant de répondre aux menaces du XXIe siècle : le Comité politique et de sécurité (COPS), le Comité militaire de l’Union européenne (CMUE) et l’État-major de l’Union européenne (EMUE). Grâce à cette architecture opérationnelle, l’UE a lancé trente-et-une missions (dont onze opérations militaires) à l’image de EUTM Mali, EUCAP Sahel ou EUNAVFOR Atalanta.

Nous venons d’aborder le débat de la construction d’une armée européenne intégrée sous l’angle historique. Dans un prochain article, nous verrons quels sont à la fois les avantages d’un tel projet mais aussi les obstacles qui jalonnent la longue route vers l’armée européenne.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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