Pourquoi la Suisse refuse-t-elle d’intégrer l’Union Européenne ?
L’éternelle neutralité helvétique, qui a tendance à s’estomper dans un monde globalisé, se vérifie encore une fois sur la question de l’adhésion à l’Union Européenne (UE). La seule démocratie directe du continent préfère accomplir sa destinée européenne en prenant les avantages des institutions tout en contenant les inconvénients bruxellois par le biais d’accords bilatéraux avec l’Union Européenne. La Suisse est-elle un pays fermé ou arrive-t-elle à lier souveraineté et indépendance avec une Europe en crise profonde ?
La procédure d’adhésion de la Suisse au sein de l’UE est, avec la Norvège et l’Islande, l’une des seules qui n’a pas abouti. Le refus du peuple Suisse, par référendum le 6 décembre 1992, de ratifier l’accord sur l’Espace Économique Européen (EEE) – donnant accès au marché intérieur sans participer à l’UE – a mis fin à cette procédure. La Suisse, en accord avec ses traditions, refuse d’être partie à un accord multilatéral de libre-échange. Pour pallier un quelconque isolement, Berne a choisi l’option du bilatéralisme sectoriel avec l’UE pour profiter de la plus-value du libre-échange tout en défendant ses intérêts juridiques et de souveraineté nationale. Effectivement, de tels accords ne permettent pas à la Confédération de reprendre l’évolution de l’acquis communautaire, ni la possibilité qu’un organe supra-national puisse vérifier que la Suisse applique le droit européen, issu des traités, des règlements et directives ou encore de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Actuellement, les négociations entre la Suisse et l’UE se divisent en trois volets : l’accord-cadre sur les questions institutionnelles, d’autres traités bilatéraux sectoriels et la libre circulation des personnes.
La réticence institutionnelle de la Suisse
Le Conseil fédéral (l’organe exécutif) insiste sur le fait que la voie bilatérale reste le meilleur moyen pour la Suisse de préserver au mieux ses intérêts et poursuivre les relations avec son partenaire économique de première importance (60% des exportations suisses sont destinés au marché de l’UE). Ainsi, si la relation Suisse-UE se base sur le droit de l’UE, toute modification ou développement de l’acquis communautaire survenu après la signature des accords ne lient pas la Suisse de manière automatique. Cela aboutit à une impasse puisque l’UE pose, dorénavant, comme condition préalable à la conclusion de tout nouvel accord avec la Confédération, l’instauration d’un cadre institutionnel sur l’ensemble des accords bilatéraux sectoriels avec une reprise dynamique de l’acquis communautaire. Cette sélection à la carte du droit européen par les suisses risque d’envenimer, à nouveau, le débat entre les courants ayant une vision d’adhésion sur le long terme et ceux qui souhaitent, tout au plus, le statu quo. Ce débat s’est cristallisé sur l’initiative du Conseil fédéral ayant relancé, en 2012, les négociations entre Berne et Bruxelles, mais les discussions ont tendance s’estomper. Cela peut s’expliquer par la méfiance de perdre la sauvegarde de la souveraineté nationale puisqu’on voit mal le mécanisme européen de contrôle s’harmoniser avec le principe de la votation suisse organisée très fréquemment au sein de la Confédération. D’ailleurs la votation sur la question migratoire du 9 février 2014 illustre bien cette méfiance et la tergiversation des suisses à poursuivre les négociations.
La question de l’immigration
L’initiative populaire « Contre l’immigration de masse » acceptée par le peuple par 50,3% des suffrages exprimés (pour une participation de 56,57%) insère dans la constitution fédérale le fait que la Suisse « gère de manière autonome l’immigration des étrangers« . En plus du caractère ferme sur la question migratoire la Suisse envoie un nouveau message clair à Bruxelles sur son intention de mener les grandes questions européennes à son niveau. La crise migratoire que connaît l’Europe actuellement a poussé Bruxelles a instaurer des quotas migratoires dans chaque État membre. Berne entend, pour sa part, fixer des quotas annuels selon les besoins de l’économie suite à cette initiative populaire.
La profonde crise économique, sociale et identitaire que connaît l’Europe, refroidi les intentions helvétiques de rentrer dans le concert européen imprégné de couacs et, préfère seulement recueillir les bonnes notes par la voie du bilatéralisme qui restera, a priori, la définition des relations hélvético-européennes.