L’Irlande en quête de majorité politique
En Irlande, les élections législatives ont eu lieu vendredi 26 février. Les électeurs étaient invités à se rendre aux urnes pour élire les députés de l’Assemblée d’Irlande (ou Dáil Éireann). Il s’agissait de renouveler les mandats des représentants siégeant dans la chambre basse du Parlement (ou Oireachtas). La publication des premiers sondages à la sortie des urnes a révélé que les partis composant actuellement la coalition gouvernementale – Fine Gael (centre-droit) et le Parti travailliste – étaient en grande difficulté. Cependant, malgré cet échec, aucune autre formation politique n’est parvenue à se distinguer. Ainsi, du fait des résultats serrés, il est pour l’instant impossible de distinguer une majorité.
Le parti de l’actuel Premier ministre, Enda Kenny, a essuyé un important revers lors de ces élections. Fine Gael a en effet récolté 26% des voix exprimées, soit 10% de moins que lors des précédentes élections législatives de 2011. Quant au Parti travailliste, il récolte seulement 8% des suffrages. Le gouvernement actuel ne peut donc pas être reconduit en l’état. Des changements sont nécessaires. L’exemple irlandais montre combien il est difficile – voire impossible – pour un gouvernement ayant mené des politiques d’austérité de parvenir à être reconduit. Mission impossible, même si l’Irlande a connu une croissance de 7% en 2015, et voit son chômage baisser. E. Kenny et ses ministres peuvent se consoler en se disant qu’ils ne sont pas les seuls à avoir failli en Europe.
Le seul grand gagnant de ce scrutin semble être Sinn Féin (littéralement « Nous-mêmes » en irlandais) qui remporte 14% des voix, soit 22 sièges. Il y a encore quelques années, ce parti politique était fortement critiqué à cause de ses liens avec le groupe paramilitaire Irish Republican Army (IRA). Le fait d’avoir ainsi été associé historiquement avec des actes terroristes a longtemps discrédité Sinn Féin et ses leaders successifs. L’IRA a bien sûr accepté de rendre les armes avec la signature de l’accord du Vendredi Saint du 10 avril 1998. Cependant, la majorité de la population irlandaise garde en mémoire les milliers de victimes des Troubles. Pourtant, Sinn Féin est aujourd’hui la troisième force politique en Irlande. Gerry Adams, l’actuel dirigeant du parti, est parvenu à réaliser ce tour de force en s’opposant à la rigueur. Sinn Féin est de ce fait devenu le principal ennemi de la « troïka » en Irlande, et a ainsi gagné en popularité.
Au vu des derniers résultats, quelle coalition pourrait donc voir le jour ? Il est en effet nécessaire que les différents responsables politiques parviennent à un accord, afin de pouvoir gouverner le pays.
Une des solutions s’offrant au Fine Gael – pour essayer de sauver les meubles – serait de s’associer avec le deuxième parti de centre-droit qui a souvent gouverné le pays, Fianna Fail. Ce dernier est arrivé deuxième des élections législatives, avec 23% des voix. Tout comme Fine Gael, il ne peut donc pas gouverner seul, mais une alliance serait imaginable. Les deux frères ennemis ont en effet des lignes politiques proches. Toutefois, ils se sont combattus pendant si longtemps qu’un rapprochement sera laborieux.
De plus, si Fianna Fail et Fine Gael forment un gouvernement de coalition, le seul grand parti d’opposition serait Sinn Féin. Or, les dirigeants de Fianna Fail ont plusieurs fois exprimé leur réticence à l’idée de laisser le parti Sinn Féin représenter à lui-seul l’opposition politique. Cela le rapprocherait beaucoup trop du pouvoir, et pourrait à terme, décourager les investissements étrangers.
En prenant en compte les informations actuellement disponibles, il semble fort probable que les électeurs irlandais soient appelés à s’exprimer une deuxième fois cette année. Entre temps, Fine Gael et Fianna Fail pourraient s’entendre pour former un gouvernement temporaire. E. Kenny a même publié un communiqué mardi soir allant dans ce sens. Cependant, des semaines d’instabilité politique s’annoncent en Irlande avant qu’une issue soit trouvée.