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L’Oeuvre Française : les contours géopolitiques du fascisme post-1945

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Yvan Benedetti, président de l’ex-OF (dissoute en 2013) aux côtés de Michel Aoun, actuel président du Liban.

L’Oeuvre Française est un mouvement nationaliste français, fondé en 1968 par Pierre Sidos. Lié aux mouvements anti-impérialistes et anti-communistes, notamment dans les affrontement face aux militants de gauche de 1968. Son fondateur, Pierre Sidos est une figure majeure du néo-fascisme d’après-guerre, fils de François Sidos, haut-fonctionnaire du gouvernement de Vichy et fusillé en 1946 pour ses années de collaboration. Nous verrons ici l’influence durable et mondiale du mouvement de Pierre Sidos, tant dans le symbolisme néo-fasciste que dans les influences et applications géopolitiques qu’ont eu l’Oeuvre Française durant un demi-siècle.
Il paraît donc nécessaire de comprendre la pensée d’un mouvement qui a considérablement influencé le néo-fascisme européen, mais aussi les mouvements souverainistes et marqués très a droite comme le Front National ou le MSI. Au-delà des divergences politiques et des jugements inhérents au débat, il est intéressant, dans les temps actuels, propices à la désinformation et au politisme militant, d’analyser « scientifiquement » l’idéologie de cette mouvance, au travers de l’Oeuvre Francaise qui en est l’un des piliers historiques.

Idéologiquement, l’OF (Oeuvre Française) fait une synthèse de l’homme nouveau fasciste, puisée dans le futurisme du début du XXème siècle, « l’élévation des âmes » de Pierre Sidos, et du sentiment réactionnaire traditionaliste paysan, qui vient lui du régime de Vichy : « travail, famille patrie ». On pourrait donc raisonnablement nuancer leurs revendications fascistes, pour les rapprocher des phalanges espagnoles et de Franco, qui s’appuyèrent sur les forces réactionnaires et no n pas sur un renouveau philosophique basé sur un futur antérieur gréco-romain, le constat de l’absurdité de l’existence moderne. On peut voir dans la pensée des groupes fascistes et fascisants post-1945 un souffle prométhéen, une dimension métaphysique qui peut se lire chez Nietzsche, réadaptées par Julius Evola, intellectuel du fascisme primitif et du dadaïsme pré-1945. On pourra cependant les éloigner d’Evola, pour être plus précis, sur ses thèses traditionalistes et sa synthèse de la doctrine de la race, bien moins ethnique et romaine dans ce que fut le racisme biologique nazi qui est aujourd’hui de rigueur dans la pensée fascisante.On pourra aussi noter que la croix celtique, symbole typique du néo-fascisme, est une invention de Pierre Sidos, synthèse de la croix et du soleil qui représente la vie universelle, conception aux relents païens.
Ainsi, on retrouve des inspirations traditionnelles anti-révolutionnaires (au sens de 1789) françaises comme Barrès, Maurras, Drumont, mais aussi le national-syndicalisme fascisant de Ploncard d’Assac et Primo de Riviera et comme nous l’avons vu, une métaphysique prométhéenne que fut celle d’Evola dans ses jeunes années. On peut aussi parler du francisme, en rapport avec le parti franciste de Marcel Bucard, dont Pierre Sidos était membre dans sa jeunesse vichyste.

Sur le plan géopolitique, la position de l’Oeuvre Française est édifiante quant aux axes généraux de cette mouvance depuis 1945.

De manière générale, leur vision du monde s’articule autour de quelques points névralgiques :
La défense de l’Europe : en effet, ces groupes ne sont pas occidentalistes, puisqu’anti-américains. Ils défendent une Europe millénaire, on peut se rappeler Pierre Sidos qui dans la revue Charles disait « je me refuse de croire qu’un homme en vaut un autre. Je crois à la supériorité de notre civilisation gréco-latine sur les autres » ; on peut soulever une certaine contradiction dans la défense de l’Europe romaine, la consécration de Mussolini comme un « César » (toujours dans le même entretien), et le refus d’une « supra-identité » européenne, d’un internationalisme continental. Ainsi, à terme, l’objectif de l’Oeuvre Française serait de voir émerger partout en Europe des gouvernements fascisants/fascistes, et une coopération européenne autour de l’indépendance et de la souveraineté nationale. Ils en appellent d’ailleurs à Orban ou Poutine en Europe, ou encore Chavèz en Amérique Latine.
Au Proche et Moyen Orient : la relation de l’Oeuvre Française avec le PMO est multi-dimensionnelle : farouchement opposée à l’État d’Israël, l’OF mène depuis sa création un violent combat anti-sioniste. Pierre Sidos parle même d’un entretien qu’il eût avec le roi Fayçal d’Arabie Saoudite le 28 avril 1971 sur « l’état de la situation en France et en Israël ». Leur convergence passées dans la lutte contre le communisme et l’impérialisme américain n’ont aujourd’hui plus lieu d’être, mais cela met en lumière les relations de l’extrême-droite française avec le Proche-Orient. On peut aussi parler du récent rapprochement avec le Liban, avec la rencontre entre le président de l’OF Yvan Benedetti et le général chrétien, président du Liban, Michel Aoun. Ce rapprochement est notamment dû au soutient du Hezbollah au général Aoun, mouvement qui suscite de l’admiration dans les milieux d’extrême droite européens pour son combat contre Israël. Enfin, on pourra noter une certaine proximité avec l’Iran. Ainsi, on peut voir ici que le centre de gravité de leurs visions des relations internationales au PMO s’équilibre autour de la lutte anti-sioniste et anti-américaine : soutient à des mouvements armés palestiniens et (pro)iraniens, soutient à Assad et Poutine en Syrie…
– On pourra aussi noter une bienveillance envers la Chine, et plus largement dans le monde entier aux gouvernements anti-impérialistes, avec une moindre opposition à l’idéologie communisme.

Ainsi, idéologiquement, la pensée de l’extrême droite française catholique est très complexe – on trouve aussi des groupes païens, déistes… -, puisqu’elle puise son idéologique politique dans un racialisme indo-européen, une politique gallo-romaine nationaliste et souverainiste française, et une théologie qui s’oppose au progressisme du concile Vatican II. On trouve tant des inspirations françaises avec Barrès, Duprat ou Drumont, mais aussi italiennes avec certains pans de la pensée de Evola ou espagnoles avec José Antonio Primo de Riviera. On a donc un mélange de « l’homme nouveau » fasciste et du traditionalisme paysan typique du mouvement réactionnaire français du début du XXème siècle.
Géopolitiquement, on sent un désintéressement quant au combat face au communisme, compréhensible au vu de la baisse significative de l’influence rouge dans le monde ; on voit même certains accommodements avec des gouvernements comme celui de la Chine : en effet le nouvel objectif n’est plus tant la lutte contre le communisme que celle contre le sionisme et le danger qu’ils voient dans l’influence américaine sur le globe. Vient donc naturellement la proximité avec les états et groupes musulmans (ou multi-confessionnels comme le Liban) fondamentalement anti-sioniste et anti-américain. Ainsi, le but de cet organe intellectuel et militant fascisant est de « réveiller les consciences nationalistes » selon leurs propres dires, et défendre une conception souverainiste et profondément ethnique des Etats.

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