Berlin lorgne sur la présidence de la BCE
Relancé par le Brexit, les élections françaises et allemandes, le débat en faveur d’un budget européen plus conséquent n’a cessé de prendre de l’ampleur ces derniers mois. D’autant plus que Angela Merkel, aujourd’hui en ballottage favorable à sa propre succession, se dit prête à une hausse de la contribution allemande à l’Eurozone. Une fenêtre d’opportunité inédite qui n’a pas échappé à Emmanuel Macron. Mais les garanties allemandes ne se feront pas sans concessions, et il apparaît de plus en plus clair que Berlin convoite la présidence de la Banque Centrale Européenne (BCE).
La hausse de la contribution allemande au budget européen
Avec un budget européen qui représente aujourd’hui seulement 1,52% du PIB du Vieux-Continent, la solidarité budgétaire européenne demeure embryonnaire. Une carence souvent soulignée par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. Pour la combler, le nouveau Président français tente de convaincre ses homologues européens de mettre sur pied une structure budgétaire européenne conséquente, dotée d’un ministre des Finances européen. Un appel du pied entendu par Angela Merkel, bien consciente que l’Allemagne jouera un rôle clé dans la constitution de ce projet.
Accompagnée de l’émission d’obligations européennes (les fameux « eurobonds »), voire de l’émergence d’un fonds souverain européen, la mise en place d’un budget européen permettrait, selon ses défenseurs, d’accroître l’intégration européenne, et de mieux lutter contre les chocs économiques asymétriques. En effet, ces réformes permettraient à l’Union européenne de mieux coordonner les leviers monétaire et budgétaire de sa gouvernance macroéconomique. A l’heure actuelle, la politique budgétaire demeure l’apanage des États, et son utilisation fait débat, à l’inverse des Etats-Unis où ce levier est traditionnellement beaucoup plus actif. Or pour présider ce budget européen, Paris n’envisage personne d’autre que Pierre Moscovici, actuel Commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l’Union douanière.
Le faucon Weidmann en lice pour succéder à la colombe Draghi
Des idées qui ne font pas nécessairement consensus Outre-Rhin, mais que les dirigeants allemands se disent prêts à accepter en échange d’une contrepartie : permettre à Jens Weidmann, actuel président de la Bundesbank, de prendre la présidence de la BCE. Une idée reprise par tous les principaux journaux allemands ces derniers mois. Pour défendre son candidat, l’argument principal de Merkel repose sur le fait qu’à ce jour, aucun allemand n’a jamais dirigé l’institution monétaire. Après un Néerlandais (Wim Duisenberg), un Français (Jean-Claude Trichet), et un Italien (Mario Draghi), il semble donc normal pour Berlin qu’un allemand s’installe au sommet de la Sky Tower de Francfort. Une évidence pour le gouvernement allemand, qui estime ses intérêts politiques et économiques mal représentés au sein de l’Union européenne, où aucun allemand ne préside la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil européen ou encore l’Eurogroupe.
Jens Weidmann, ancien conseiller économique de Merkel, et qui a également travaillé au Fonds Monétaire International de 1997 à 1999, a, à de nombreuses reprises déjà, exprimé son opposition face aux politiques monétaires non-conventionnelles déployées par la BCE pour tenter de faire face à la crise économique et au phénomène de stagnation séculaire au sein de l’Union européenne.
Une nomination néanmoins loin d’être acquise
En 2012 déjà, le président de la Bundesbank d’alors, Alex Weber, fut proche de l’emporter. Cependant, il pâtit du manque de soutien en sa faveur au sein du conseil des gouverneurs de la BCE, qui lui préféra Mario Draghi. Un choix qui se révéla très irritant pour Berlin, fermement opposé aux rachats de titres obligataires d’Etats entrepris par la BCE, et totalement contraires aux fondements anti-inflationnistes de la BCE et de la Bundesbank. Cinq ans plus tard, ce sont, au contraire, les pays du sud de l’Europe qui s’inquiètent de la candidature de Weidmann. Car pour eux, bien qu’il reste plus de deux ans avant la prise de poste du prochain président de la BCE, le 1er novembre 2019, le belliciste allemand risque fort d’entraver leur reprise économique balbutiante.
Cependant, la nomination de Weidmann à la tête de la BCE reste loin d’être acquise. En effet, l’actuel président de la Bundesbank fera très certainement face à deux autres candidats. D’une part, l’actuel gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et d’autre part, l’espagnol Luis de Guindos, un ancien ministre et économiste membre du Parti Populaire. A moins que l’une de ces trois figures n’endosse les rôles de Vice-Président de la BCE ou de Président de l’Eurogroupe, tous deux remis en jeu en 2018.
In fine, le sort de la candidature de Weidmann dépendra essentiellement de la solidité de la reprise économique. Une trajectoire de croissance favorable serait en effet perçue comme un signal fort en faveur du relâchement de la politique de taux ultra-accommodante de la BCE. Une idée soutenue corps et âme par le président de la Bundesbank.