Quel avenir pour Areva après Fukushima ?
Fukushima. Un nom qui résonne en permanence dans l’esprit de Luc Oursel, fraîchement nommé président du directoire d’Areva par Nicolas Sarkozy. Un nom qui ouvre une longue période de doute pour l’industrie nucléaire.
L’accident nucléaire de Fukushima a eu des conséquences psychologiques rapides sur les pays européens. Promptement, l’Allemagne a adopté un énorme paquet législatif dont l’axe majeur est la sortie du nucléaire en 2022. En Italie, ce sont près de 94 % des électeurs italiens qui se sont exprimés, lors du référendum des 12 et 13 juin, en faveur de la suppression définitive de la loi de juillet 2009 instaurant le retour du nucléaire. Même la France n’est pas épargnée par ce désaveu : les sondages indiquent que plus de la moitié des Français est désormais favorable à une sortie progressive du nucléaire dans notre pays.
Les pays émergents sont aussi source d’inquiétude pour Areva. L’accident de Fukushima a reporté un certains nombres de projets en Chine ou en Inde et bien des pays ayant partiellement misé sur le nucléaire dans leur mix énergétique sont aujourd’hui dans le doute.
Par ailleurs, il est très probable que toute la filière nucléaire subisse un véritable raz-de-marée normatif et législatif d’ici quelques années. Au niveau international, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) est en phase de renforcer grandement ses normes et ses dispositifs de contrôle. En ce sens, Nicolas Sarkozy a de nouveau manifesté son volontarisme politique sur la scène internationale en se faisant le chantre d’un durcissement des normes nucléaires mondiales. D’autre part, les acteurs de la filière et en particulier les utilities vont avoir à subir un certain nombre de tests de fiabilité, à tous les niveaux, un peu à l’image des stress tests européens ou japonais sur les centrales. Les régulateurs du nucléaire vont également avoir leur mot à dire dans le durcissement des règles de sécurité, à l’image de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui, après son audit de la centrale de Fessenheim en Alsace, prône un renforcement de la dalle de béton situé en-dessous du réacteur.
Néanmoins, ces difficultés et l’exigence de sécurité peuvent être vues comme d’incroyables opportunités pour Areva, qui propose déjà le réacteur le plus sûr de la filière : l’EPR (European Pressurized Reactor) est aujourd’hui le seul réacteur capable de résister à un crash aérien, ce qu’Areva ne manquera pas de mettre en avant dans le futur. Plus généralement, la maîtrise technologique et le savoir-faire français permettront de perpétuer la réputation d’excellence dont jouit notre filière nucléaire. Après Fukushima, il est probable que les pays acheteurs soient infiniment plus regardants sur les questions de sécurité.
Enfin, il semble qu’un élément essentiel joue en faveur d’Areva : le temps. Depuis le tsunami du 11 mars 2011, de nombreux gouvernements ont pris position contre le nucléaire, traduisant ou non cette position dans le marbre de la loi. On peut légitimement se dire que, une fois que l’émotion consécutive à cet accident se sera estompée, le climat sera plus propice à un débat posé sur le nucléaire. A cette occasion, il est probable que les positions défendues soient plus rationnelles et que l’on pèse le pour et le contre de manière impartiale, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.