Le procès de Jérôme Kerviel, le procès de la finance ?
Aujourd’hui s’est ouvert à Paris le procès de l’ex-trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, accusé par la banque d’avoir perdu 4,82 milliards d’euros. De multiples interrogations se posent déjà : comment un individu a-t-il pu perdre une telle somme d‘argent sans que la banque ne s’en rende compte ? La Société Générale tente de faire passer Kerviel pour un voleur, un escroc, mais elle occulte principalement tous les bénéfices que ses opérations et celles d’autres traders lui ont rapporté. Certains maux du capitalisme resurgissent déjà : irresponsabilité (de la banque, mais aussi de Kerviel), appât du gain, recherche du profit à tout-va.
Il ne s’agit pas ici de chercher par tous les moyens à défendre le trader. Quiconque ne peut imaginer l’ambiance stressante d’une salle de marché, la pression des supérieurs, de la banque entière. Les accusations d’abus de confiance, de faux et d’usage de faux ont déjà été (en partie) reconnues par Kerviel, arguant du fait que le trader a « perdu le sens des réalités ». Mais comment peut-on accuser le seul Kerviel ? Parce que c’est le seul de la bande à s’être fait repérer ? L’argent est-il si virtuel que les banques ne peuvent plus contrôler les actions de leurs salariés ? Ce serait grave, et terriblement dangereux pour la planète finance, qui n’est pas à un écart prêt.
Alors oui, on peut bien affirmer que derrière ce procès se cache l’accusation de ce néo-capitalisme financier, spéculatif, tendant à établir un monde de plus en plus virtuel. A vrai dire, il semble que les banques et autres organismes financiers tentent à tout prix, lorsqu’il y a un problème (de quelques milliards d’euros, une goutte d’eau en somme), de faire porter le chapeau à quelques uns de leurs employés, qui d’ordinaire sont vouées aux gémonies pour leur sérieux et application. Les exemples ne manquent pas : Kerviel, Tourre… Et qui plus est, comment la justice peut-elle être compétente quant à des faits qui la dépassent, et qui dépassent le commun des mortels ? Reste que, probablement, ce procès aura plus des conséquences médiatiques qu’autre chose : pas question de toucher aux sacro-saints profits, que diable ? Le monde virtuel est là, tout proche. Mais la peine, elle, sera-t-elle virtuelle ?