Equiper l’opposition Syrienne ? Trois ans trop tard.
Alors qu’en février 2011 éclatait une révolte armée en Syrie contre le régime autoritaire de Bachar Al-Assad, ce n’est qu’en juin 2014 que l’administration américaine, et en particulier, le Président Obama, prix Nobel de la paix en 2009, ont suggéré de débloquer 500 millions de dollars pour équiper les rebelles syriens. Si une telle somme ferait rêver n’importe quelle association humanitaire ou bien encore un pays ayant des difficultés budgétaires, il n’empêche que ces fonds semblent arriver trop tard pour une opposition divisée et qui semble s’essouffler.
Une partie du dernier National Security Council américain portait sur la situation en Syrie et les suites à donner aux nombreux discours prononcé depuis quelques années en faveur de l’opposition syrienne qui mène une lutte acharnée contre les forces du régime de Bachar Al-Assad. Le Président Obama se serait engagé à demander au Congrès de lui octroyer 500 millions de dollars en vue « de former et d’équiper des individus dont l’appartenance aux forces d’opposition syriennes modérées serait dûment vérifiée ».
Une telle aide officielle va très certainement réjouir l’opposition syrienne modérée mais, outre la question de la définition de ce « forces modérées », on est en droit de se demander quel est le but véritable recherché par l’administration Obama qui aura attendu plus de 3 ans pour débloquer cette aide. Est-ce l’échec des négociations de Genève en Février dernier qui pousse les Etats-Unis à, enfin, agir autrement que par le biais de missions clandestines menées par la CIA ? Est-ce la situation en Ukraine qui pousse les américains à asséner un coup potentiellement dévastateur à Vladimir Poutine sur un autre front ? Est-ce l’avancée d’ISIS (Islamic State of Iraq and al-Sham) en Iraq qui remplit d’effroi le gouvernement américain, toujours pétri de la théorie du Domino ?
Cette aide arrive trois ans trop tard et dans un contexte beaucoup plus difficile
Quoi qu’il en soit, l’évolution de la situation ne plaide plus en la faveur d’une aide, si importante soit-elle des forces rebelles syriennes. En effet, les négociations en vue d’une transition « pacifique » vers l’après Al-Assad ont été un échec retentissant et ont exposé les limites d’une opposition cimentée uniquement par sa haine commune du Président mais qui, en dehors de cela, peine à présenter un visage unique. De plus, dans une action censée lui conférer davantage de légitimité, le Président Al-Assad va être, très probablement le grand gagnant du scrutin qui a eu lieu début Juin. Si les quelques observateurs ont fait état d’irrégularités et de fraudes, ce n’est pas un scrutin électoral, au beau milieu d’une guerre civile, qui va empêcher Bachar Al-Assad de garder son trône.
D’autant plus que rien ne dit que les forces syriennes modérées forment le gros de l’opposition au régime syrien. Entre ISIS, qui utilise la Syrie est la base arrière de ses opération en Iraq, Jabhat al-Nusra, la branche d’Al Qaida sur le terrain et le Front Islamique qui est une nébuleuse de plusieurs factions plus ou moins extrémistes, le paysage rebelle syrien semble quelque peu brouillé. Rien ne peut donc permettre d’avancer que ces 500 millions (à débloquer sur le budget de la Défense 2015, donc non disponible immédiatement) ne seront pas gaspillés voire détournés de leur fin initiale. Cette dépense pourrait, au final, ne faire que prolonger la guerre civile entre le régime syrien arc-bouté sur son pouvoir et des rebelles prêt à tout pour le renverser.
Ajoutons à cela le micmac géopolitique international autour de l’avancée d’ISIS en Iraq contre laquelle non seulement la Turquie mais aussi l’Iran et la Syrie de Bachar Al-Assad ont pris fait et cause, il semblerait que, sur ce dossier, l’avancée de la rébellion en Syrie desservirait l’objectif le plus urgent : défaire les milices d’ISIS qui, pour l’instant, menacent Bagdad. En somme, cette aide de 500 millions arrive bien tard et son utilisation effective rajoute davantage de doutes quant à sa pertinence générale. Certes, mieux vaut tard que jamais pour proposer une action concrète. Toutefois, les tergiversations passées ne doivent pas être une raison pour hâter une décision de cette importance.