Rétrospective 2014 : où en est le processus de paix israélo-palestinien ?
L’année 2014 a été marquée par une nouvelle escalade des tensions entre Israël et l’Autorité palestinienne. Suite à l’enlèvement de trois adolescents israéliens, l’opération « Gardiens de nos frères » est lancée par l’Etat hébreu : 800 palestiniens, essentiellement membres du Hamas sont arrêtés et 9 civils sont tués. En réponse à cette opération, le Hamas multiplie ses tirs de roquettes vers Israël. La montée des tensions conduit au lancement par Israël de l’opération « Bordure protectrice » contre la bande de Gaza visant à « détruire l’infrastructure terroriste » afin d’éliminer les capacités du Hamas et ramener la stabilité. Cette nouvelle guerre ouverte interroge plus largement sur les perspectives actuelles de sorties de crise.
Le conflit asymétrique qui oppose Israël et l’Autorité Palestinienne, notamment avec l’avantage technologique dont dispose Israël (le « Dôme de fer » permet par exemple le repérage dès son lancement la trajectoire d’un missile et son interception en cas de risque sur une zone habitée), a renforcé le nombre de dégâts humains du coté palestinien. Selon les Nations Unies, le conflit qui s’est étendu sur cinquante jours a causé 2 140 morts du côté palestinien, essentiellement des civils, et 71 du côté israélien, dont 66 soldats. Cela a de même été amplifié par la radicalisation du Hamas dont les tirs de roquettes ne visaient plus seulement le sud d’Israël mais également Tel Aviv et Jérusalem,. Après cinquante jours de conflit, un cessez-le-feu a été conclu entre Israël et le Hamas, par l’intermédiaire de l’Egypte à la fin du mois d’août. Néanmoins fin décembre de nouveaux tirs de roquettes ont été signalés par Israël.
Un processus de paix de plus en plus lointain
Ce dernier affrontement met également en exergue la radicalisation des postures des parties prenantes au conflit ainsi que la modification du contexte régional. En annonçant une « intervention graduelle et sans limite dans le temps », B. Nétanyahou répondait à la pression interne croissante de l’ultra-droite, faisant partie de sa coalition. Ces derniers estiment en effet qu’il est temps « d’en finir avec le Hamas ». Le mouvement a néanmoins perdu nombre de ses soutiens : tandis que les Frères musulmans égyptiens ont été éloignés du pouvoir par le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, le Hamas a perdu le soutien de Damas et Téhéran du fait de sa proximité avec la rébellion syrienne. Le mouvement est également dépassé dans la bande de Gaza par des groupes plus radicaux tels que le Jihad Islamique (1) qui dénonce sa passivité vis à vis d’Israël et appelle à une « Troisième Intifada ». Ces éléments expliquent ainsi en partie l’escalade du conflit.
L’intervention de juillet 2014 a également pu être interprétée comme une punition collective face aux résultats de l’élection de juin 2014 ayant concrétisé l’accord d’avril 2014. Si cet accord a permis la création d’un gouvernement de transition réunifiant le gouvernement de l’Autorité palestinienne divisé depuis 2007 entre le Fatah (Cisjordanie) et le Hamas (bande de Gaza), il a également été à l’origine de la suspension du processus paix par Israël.
Dans ce contexte paralysé par les préoccupations nationales et le court terme, le processus de paix ne semble pas en passe d’avancer. L’offensive diplomatique multilatérale palestinienne suscite également le courroux d’Israël : fort de son statut d’observateur non-membre de l’ONU acquis en novembre 2012, Israël a récemment soumis une résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies proposant un accord de paix d’ici à douze mois et le retrait des territoires occupés avant la fin 2017. N’ayant pas recueilli assez de voix (8 sur 15), la résolution a été rejetée. L’Autorité Palestinienne continue son offensive diplomatique et a annoncé son intention d’adhérer à la Cour Pénale Internationale, afin notamment de citer à comparaître des dirigeants israéliens tandis que le gouvernement israélien envisage lui de poursuivre certains dirigeants palestiniens, dont le président M. Abbas, devant des tribunaux américains ou étrangers. Israël a par ailleurs déjà répondu aux actions diplomatiques palestiniennes par le gel du versement de taxes dues à l’Autorité palestinienne, équivalent à plus de 100 millions d’euros (2), alors que selon les estimations de la Banque Mondiale la guerre de juillet 2014 pourrait conduire à une baisse de 4% du PIB de l’Autorité palestinienne pour l’année 2014 (-15% pour la seule bande de Gaza). Entre radicalisation interne et activisme international, le processus de paix, suspendu en avril 2014, semble en sommeil en ce début d’année 2015.
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(1) « Le Jihad Islamique est la deuxième force combattante de Gaza derrière le Hamas, a pour branche armée les Brigades Al-Qods (Jérusalem) qui affirment disposer d’environ 8.000 hommes. Créé en 1980, d’inspiration iranienne, c’est la première organisation islamiste palestinienne à s’être engagée dans la lutte armée. » Source : l’Orient le Jour
(2) Dans le cadre des Accords d’Oslo (1993) Israël collecte pour le compte de l’Autorité palestinienne des taxes qu’il lui reverse chaque mois, elles représentent près de la moitié du budget palestinien.