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Palmyre menacée : pourquoi Daesh s’attaque-t-il au patrimoine mondial ?

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Plusieurs hommes détruisant des oeuvres du musée de Mossoul, en Irak. Source: Paris Match
Plusieurs hommes détruisant des oeuvres du musée de Mossoul, en Irak.
Source: Paris Match

Dans un récent communiqué, la directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, s’est alarmée de l’avancée des combattants de Daesh face à l’armée du régime de Bachar Al Assad, en direction de l’antique cité de Palmyre, joyau archéologique et architectural, et classée au patrimoine mondial de l’humanité. Après les saccages des sites irakiens de Nimroud, Hatra, et celui du musée de Mossoul, le risque de voir la cité saccagée une fois l’armée chassée est important. Mais comment expliquer que les djihadistes s’attaquent ainsi à notre patrimoine ?

Entre théologie, idéologie et ignorance

La destruction des sites archéologiques par les djihadistes relève d’abord d’un combat idéologique et théologique, qui trouve ses racines dans une conception fondamentaliste de l’Islam où seule l’adoration du prophète est possible, au contraire d’une conception d’un Islam tolérant et modéré, brillant par sa science et son art, où le culte des saints est autorisé, et où même les non-musulmans ont leur place. De ce point de vue, l’EI n’est pas la seule organisation à pratiquer des destructions au nom d’une telle conception de la religion, puisqu’en 2001 déjà les talibans avaient-ils détruit des bouddhas d’une valeur inestimable, et en 2012, au Mali, le groupe Ansar Dine avait saccagé sept mausolées de saints musulmans à Tombouctou. Mais Daesh va encore plus loin, en ce sens qu’il cherche à supprimer toute trace de civilisation antérieure ou étrangère à l’Islam.

Une opération de communication politique ?

Au delà d’un aspect idéologique, la destruction des sites archéologiques relève vraisemblablement de la communication, en témoigne l’existence de vidéos savamment diffusées par l’organisation. Au même titre que les photographies et vidéos d’exécutions, il s’agit ici d’attirer l’attention sur le groupe et de générer des « vocations ». C’est pourquoi le communiqué de l’UNESCO, qui tire la sonnette d’alarme et médiatise un peu plus ces exactions, risque malheureusement d’entrainer en réaction plus de destructions. Externe, cette communication est également interne puisqu’elle a également pour objet de terrifier les populations des territoires contrôlés pour les maintenir sous contrôle, tout en leur démontrant la détermination des combattants de Daesh et la voie religieuse à suivre.

Par ailleurs, il est intéressant de constater que les destructions se sont multipliées en Irak notamment à partir du moment où l’EI s’est retrouvé en difficulté sur le terrain militaire. Ainsi, la destruction des oeuvres du musée de Mossoul a eu lieu en février dernier, alors même que les troupes de Bagdad et les milices chiites, soutenues par la coalition, menaient une contre-offensive pour reprendre la ville. Si cela n’explique pas tout, il est probable que les destructions soient ainsi dans certains cas pour Daesh un moyen de détourner l’attention de ses propres combattants des revers militaires en Irak ainsi que de compenser leur frustration.

Dans le cas de Palmyre, la prise de la ville constituerait au contraire un succès militaire face au troupes du régime. L’encerclement de la ville et la menace de la destruction du site constitue ainsi un moyen d’obliger l’armée loyaliste à concentrer ses forces autour d’un objectif symbolique, au prix d’importantes pertes. Dès lors, objectifs militaires et idéologiques s’entrecroisent un peu plus, dans une guerre qui a déjà coûté la vie à plus de 200 000 personnes.

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