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Rétrospective 2015 : le monde en guerre contre le terrorisme

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De l’attaque de Charlie Hebdo à l’attentat contre le Radisson Blu de Bamako, l’année 2015 aura été secouée par une vague d’attentats sans précédent, tous revendiqués par l’Organisation de l’Etat Islamique ou Al Qaeda. Un an après Charlie Hebdo, les Yeux du Monde s’intéresse aux conséquences diplomatiques, politiques et sociales de ces fléaux.

Vladimir Poutine est désormais le meilleur atout de la France en Syrie pour vaincre l'Organisation de l'Etat Islamique
Vladimir Poutine est désormais le meilleur atout de la France en Syrie pour vaincre l’Organisation de l’Etat Islamique

La coalition internationale en Syrie: tous contre un

N’en déplaise aux aficionados d’une « fin de l’Histoire », l’Occident est aujourd’hui en guerre contre le terrorisme. L’ennemi, même s’il n’est pas toujours clairement identifié, est bien réel. Mais cette guerre asymétrique était pourtant engagée depuis 2011 en Syrie par la coalition internationale. Ce qui a changé avec les attentats, c’est la nécessité, pour la coalition internationale menée par les Etats-Unis, de mettre un terme aux fausses manœuvres, à cette guerre en demi-teinte, où l’on tente plus ou moins de canaliser Daech tout en refusant de dialoguer avec Bachar Al-Assad. Au-delà des camps d’entraînement, ce sont les puits de pétrole contrôlés par Daech (et qui lui assureraient près d’un million de dollars de revenus par jour) qui sont désormais visés. Ce qui a changé aussi, c’est l’intervention d’une Russie qui a pris la mesure des événements qui se déroulent actuellement dans le Nord Caucase et qui menacent directement les frontières russes. Le 30 septembre 2015, Le Kremlin annonce le début de bombardements de sites attribués aux rebelles ; une intervention par ailleurs bénie par l’Iran qui officie depuis 2011 en Syrie aux côtés du régime. Ce qui a changé enfin, c’est l’attitude des diplomaties occidentales à l’égard de Bachar Al-Assad. Dès le mois d’octobre, Barack Obama ne faisait plus du départ d’Al Assad une condition nécessaire à une transition politique stable. Quant à la diplomatie française, les attentats du 13 novembre, puis du 20 novembre, au Mali, auront motivé un revirement politique et l’abandon d’une position figée à l’égard du dirigeant syrien. Dans cette redistribution des cartes, alors que la Russie se présente en nouveau gendarme du Moyen-Orient (au détriment de l’administration américaine qui fait profil bas depuis le début de l’année), Bachar Al-Assad voit son avenir au pouvoir s’éclaircir à nouveau, et l’Iran peut profiter de l’implication de ses Pasdaran et du Hezbollah* aux côtés du régime syrien pour revenir sur le devant de la scène diplomatique. Quitte à discréditer l’Arabie Saoudite dès que l’occasion lui en est permise…

Les réactions, en France et ailleurs

La France est aujourd’hui en guerre sur trois fronts : en Syrie bien entendu, aux côtés de la coalition internationale qui fait de plus en plus de compromis au dirigeant syrien ; au Sahel ensuite où l’enthousiasme de la prétendue réussite de l’opération Serval a laissé place à l’instabilité et où Al Qaeda souhaite conserver une influence parmi les réseaux terroristes ; et sur son territoire enfin, à mesure que les attentats et menaces d’attentats se multiplient à l’encontre de la France. Ce dernier point a conduit le gouvernement à adopter une série de mesures qui allouent plus de libertés aux services de renseignement français dans la collecte d’informations, mais également aux forces de police désormais plus autonomes  dans le cadre de perquisitions ou la constitution de fiches S. En France comme dans toute l’Europe, l’on s’interroge depuis les attentats sur les raisons qui ont motivé les terroristes à viser la France, le Mali, la Belgique (en mai 2014). On tente d’expliquer les connexions que les réseaux établissent entre eux, de connaître le rôle que joue le milieu carcéral en tant qu’incubateur d’une radicalisation des jeunes, et de réfléchir sur la manière de lutter contre la propagande sur internet. On découvre alors peu à peu comment la Belgique est devenue, en quelques années, une plaque tournante du djihadisme combattant européen. Les réseaux terroristes y bénéficient d’une base arrière logistique de taille : de nombreuses armes issues de l’ex-Yougoslavie circulent aujourd’hui en Belgique. Du matériel vieillissant, mais remis en état de marche artisanalement par le savoir-faire d’ouvriers spécialisés.

Terrorisme et société : vivre dans la peur ou vivre par-dessus la peur ?

Les attentats du 7 janvier à Paris avaient fait descendre des millions de personnes dans les rues du monde entier le dimanche 11 janvier. Surtout, 44 chefs d’Etat et de gouvernements avaient défilé dans les rues de Paris, en soutien au peuple français. « L’esprit du 11 janvier » avait alors marqué les mentalités pendant de longues semaines, comme pour montrer aux mouvements terroristes la force d’un peuple qui se soulève, au nom de ses valeurs et de ses libertés, contre la barbarie islamique. Le 13 novembre, les réactions étaient d’une ampleur encore plus considérable sur les réseaux sociaux pour manifester le soutien à une France meurtrie. Pourtant, même si les hommages ont été nombreux aux abords des lieux d’attentats, les manifestations et défilés se sont fait beaucoup plus discrets. Le 22 novembre, deux jours après l’attaque du Radisson Blu à Bamako, les Etats-Unis déconseillaient vivement à leurs ressortissants de voyager, d’autres attaques terroristes pouvant être encore en préparation dans plusieurs régions du monde. Le 7 janvier visait la liberté de la presse ; les attaques des 13 et 20 novembre ont touché des populations en pleine rue, dans une salle de spectacle, dans un hôtel…des lieux de vie communs. La peur a donc tracé son sillon dans les esprits. Une peur extrêmement palpable, dès qu’une menace d’attentat se fait sentir. Et c’est bien le but de ces actes barbares. Instaurer la peur au sein de toute une population qui se sent protégée par la distance les séparant du cœur du conflit. Dans sa revue officielle Dabiq, l’Etat Islamique préconise justement des attaques à périmètre très restreint, à l’arme blanche dans les transports ou dans les rues, non pas pour assurer un spectacle macabre comme les 7 janvier ou 13 novembre, mais pour alimenter la psychose sociale.

Quel impact sur les mouvances terroristes ?

Les attentats sont bien entendu la meilleure des publicités pour Daech. Les auteurs des attentats terroristes sont invariablement traités en héros dans les images de propagande de l’Organisation de l’Etat Islamique. Des frères Kouachi (Charlie Hebdo) à Mohamed Merah (tuerie de Toulouse en 2012) en passant par Amedy Coulibaly (tuerie de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes), tous sont évoqués en termes élogieux afin d’alimenter le culte du héros parti mourir en martyr dans une guerre sainte contre l’Occident unifié. Les images des attentats sont utilisées, manipulées dans la réalisation des films de propagande afin d’attirer de nouvelles recrues dans leurs rangs.

Mais lorsque l’Etat Islamique organise des attentats de grande ampleur tels que ceux du 13 novembre, si la France se sent attaquée, Al Qaeda se sent humiliée. D’où le risque de surenchère. En outre, les attentats de Bamako survenus une semaine après ceux de Paris ont été revendiqués par des groupuscules affiliés à AQMI (branche d’Al Qaeda en Afrique du Nord). Face à la « multinationale » Daech, Al Qaeda a en effet perdu beaucoup d’influence depuis l’âge d’or du réseau à la fin des années 1990. La faute à un projet politique moins défini, mais également au manque de moyens financiers face aux 2 milliards de dollars de revenus annuels de l’Organisation de l’Etat Islamique.

Qu’attendre de 2016 ?

Sur le plan international, en visant tour à tour la France, les Etats-Unis et la Russie, l’EI a définitivement motivé l’ensemble de la communauté internationale à intervenir en Syrie. En s’attaquant aux ressources clé de l’organisation terroriste (et notamment les puits de pétrole), la coalition internationale pourrait la priver de financements stratégiques. Au sein des grandes puissances, on s’accorde sur le fait que Bachar Al Assad pourrait faire partie d’une solution de transition. L’année 2016 sera donc évidemment déterminante pour la suite du conflit.

Néanmoins, deux points seront à surveiller. Premièrement, Daech ne serait pas, dans l’immédiat, pénalisée par les bombardements de ses puits de pétrole, tant ses réserves sont importantes. C’est donc plus bas dans la chaîne de valeur que l’on doit analyser le problème, notamment au rôle de la Turquie par laquelle transite actuellement la quasi-totalité du pétrole de l’EI et assure donc l’essentiel des revenus de l’organisation terroriste. Deuxièmement, aucune victoire ne pourrait être envisagée sans intervention d’envergure au sol. Les bombardements actuels sont entravés par l’obligation de ne pas toucher les civils. Et c’est aucun doute en connaissant au plus près son ennemi que la coalition internationale pourra s’assurer les bases d’une inespérée stabilisation de la région. Une connaissance de l’ennemi qui se fera sur le terrain, mais aussi, et surtout, en amont des filières terroristes, au coeur des milieux carcéraux français et européens, des jeunes populations musulmanes tchétchènes élevées dans le souvenir de cette guerre d’indépendance réprimée dans le sang par le Kremlin, au coeur des populations sunnites à qui l’on inculque que l’Iran chiite est le Mal absolu. Au coeur, en fin de compte, du terreau fertile dans lequel se sert habilement Daech.

 

*Créée au début des années 1980 au Liban, cette milice chiite est au départ formée à l’initiative de combattants iraniens au Liban partis combattre l’offensive israélienne. Les liens entre le Hezbollah libanais et l’Iran restent aujourd’hui très forts. Pour en savoir plus, https://les-yeux-du-monde.fr/histoires/ana-histo/23843-histoire-du-hezbollah/

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