Le Liban face à l’afflux des réfugiés syriens (1/2)
Le pays du Cèdre, petit pays d’une surface avoisinant celle de la Corse avec près de quatre millions d’habitants, fait face à un afflux de migrants sans précédent. Un véritable défi pour un pays déjà instable du fait d’une économie en crise, d’un système politique sclérosé et en proie au jeu des puissances dans une géopolitique régionale complexe.
Un pays d’accueil malgré lui
Malgré l’afflux de migrants sur son sol, le Liban nie leur réalité, surtout juridique. En effet, le Liban refuse d’adhérer à la plupart des conventions et traités concernant les réfugiés. Il ne figure pas parmi les signataires de la Convention de Genève de 1951, ou du Protocole de 1967 relatifs aux réfugiés. Pourtant l’histoire du pays est faite de vagues de réfugiés : les Arméniens en 1915 fuyant la Turquie, les différentes migrations de Palestiniens suite aux guerres israélo-arabes et depuis 2011 l’arrivée massive de Syriens fuyant la guerre civile.
Les mentalités restent marquées par le « spectre palestinien » : une arrivée massive de migrants non-désirés sur leur sol, et s’installant durablement. Cette question de la présence sur le long terme des réfugiés est d’autant plus épineuse dans un pays qui a fondé son statut quo politique en fonction des confessions religieuses, et que l’arrivée des migrants déséquilibre. Des migrants syriens essentiellement musulmans sunnites, inquiétant la population chrétienne du Liban se sentant de plus en plus minoritaire.
Les Syriens bénéficiaient toutefois d’un statut particulier au Liban. La spécificité des relations entre l’Etat libanais et l’Etat syrien, la proximité des deux populations par les liens historiques et culturels, l’importante main d’œuvre syrienne travaillant depuis longtemps dans les champs et les chantiers libanais leur conféraient un statut à part. Les Syriens sont traditionnellement considérés comme des « frères » par les Libanais. Ils bénéficiaient ainsi d’avantages comparés aux autres réfugiés : les autorités admettaient leur présence sur le territoire et ils étaient libres de leurs mouvements ; ils étaient autorisés à chercher du travail. Le terme qu’employait les autorités libanaises était ici important : on parlait seulement de « déplacés » syriens, cherchant à la fois à minimiser l’ampleur de la crise syrienne et à éviter le mot « réfugié » ayant une connotation d’installation durable au Liban.
Des « déplacés » de plus en plus difficile à intégrer
L’afflux de réfugiés syriens accentue la crise économique et sociale que traverse déjà le Liban. Le pays du Cèdre est caractérisé par une économie libérale misant sur le tertiaire, avec un système bancaire et financier en pointe au Moyen-Orient. Les travailleurs en général ne bénéficient pas d’un droit du travail très protecteur, et le travail informel y est très important.
Le salaire d’un réfugié syrien y est près de 40% inférieur au salaire minimum libanais, favorisant le dumping social, et par conséquent une hausse du chômage et une baisse généralisée des salaires. Ceux qui étaient au départ perçu comme des « frères » font de plus en plus face à des réactions xénophobes. Plusieurs rapports d’ONG tirent la sonnette d’alarme depuis l’été dernier avec plusieurs incidents, notamment dans la vallée de la Bekaa.
La pression qu’exercent les réfugiés syriens sur le marché du travail libanais n’est qu’un aspect des défis auxquels fait face le Liban : inflation de l’immobilier, concurrence entre réfugiés syriens et palestiniens, hausse de l’insécurité, accentuation des divisions quant à l’attitude à avoir face au conflit syrien. Avec plus d’un million de réfugiés sur son sol, le Liban est le pays au monde avec la plus forte densité de réfugiés. Une réalité qui oblige l’État libanais et la communauté internationale à réagir face à ce risque de déstabilisation de la « Suisse du Moyen-Orient ».