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Nucléaire iranien : retour sur dix ans de négociations

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 Mohammad Javad Zarif, le ministre des Affaires Etrangères iranien, lors des négociations de Vienne
Mohammad Javad Zarif, le ministre des Affaires Etrangères iranien, lors des négociations de Vienne

« Accord historique »,  « réussite diplomatique sans précédent » : les mots ne manquent pas pour qualifier l’accord qui a été signé à Vienne le 14 juillet entre l’Iran et la communauté internationale après plus de dix ans de négociations. Depuis 2003, la puissance chiite inquiète par sa volonté d’obtenir le feu nucléaire. Alors que le pays comptait 160 centrifugeuses visant à transformer l’uranium à cette période, il en compte aujourd’hui plus de 20 000 – d’où l’enjeu des négociations. Si le pays se défendait de vouloir développer un programme nucléaire civil la ligne dure adoptée par le précédent président M. Ahmadinejad  à partir de son élection en 2005 avait fortement ralenti le processus de négociations créé à l’initiative de la France, le Royaume Uni et l’Allemagne. L’élargissement de ce groupe aux autres membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) en 2006 a conduit à la mise en place de sanctions par la résolution 1737 par le comité des sanctions du CSNU comprenant un embargo sur les activités liées à la prolifération nucléaire, les armes et des sanctions ciblées (gel des avoirs et interdictions de voyager). L’arrivée au pouvoir d’Hassan Rohani en 2013, perçu comme plus modéré et plus ouvert à la discussion, a permis d’envisager sous un nouvel angle les négociations. La signature en novembre 2013 de l’accord de principe de Genève a permis d’encadrer le déroulement et l’objectif des négociations en en posant les jalons. La signature en avril 2015 d’un accord cadre repoussait à juin l’échéance d’un accord définitif, finalement signé le 14 juillet. Cet accord prévoit premièrement une limitation de l’enrichissement d’uranium par une restriction du matériel nucléaire pendant dix ans. L’objectif est ainsi de maintenir à une durée d’un an minimum la capacité d’enrichissement d’uranium pendant dix ans. Dans le même sens, la production de plutonium est limitée et les capacités de la centrale d’Arak  seront modifiées afin de limiter sa production à visée militaire. Ensuite, les sanctions internationales contre l’Iran vont être levées à partir de 2016, après un rapport de l’AIEA attestant du respect par l’Iran de ses engagements. Les négociations à ce sujet ont été particulièrement âpres, les uns désirant une levée complète et rapide des sanctions, les autres une levée progressive et conditionnée. C’est finalement la levée progressive, mais substantielle, des sanctions qui a été choisie. L’embargo sur les armes  (missiles balistiques et importations d’armes offensives), que Téhéran considère peu en lien avec le dossier nucléaire est quant à lui maintenu. Il s’agit là d’une volonté du P5+1 de ménager à la fois Israël et les pays arabes sunnites qui craignent que cet accord conduise à un renforcement trop important de l’influence iranienne. Enfin, les inspections et le contrôle des activités nucléaires seront renforcés. Il s’agit du second  point d’achoppement des négociations : l’AIEA pourra effectuer des inspections pendant vingt-ans du parc des centrifugeuses et pendant vingt-cinq ans de la production d’uranium.

En proposant à l’Iran une réinsertion dans la communauté internationale, le P5+1 fait le pari d’une renonciation à long terme de l’acquisition de la bombe nucléaire – ou au moins d’une acquisition encadrée et moins belliqueuse. En effet, l’Iran, départi des sanctions qui lui sont imposées pourrait à moyen terme développer pleinement ses capacités et faire figure d’une puissance régionale incontournable.

Nouvelle donne au Moyen-Orient ?

Du point de vue interne, l’Iran va sortir de « l’économie de résistance » (1). Il s’agit d’un choix économique visant à favoriser la production nationale et l’autosuffisance par la promotion des biens nationaux tout en évitant l’importation de biens produits à l’étranger, afin de faire face aux sanctions. Les dirigeants ont ainsi tenté de pallier les difficultés économiques par des ressources internes à défaut de pouvoir s’ouvrir économiquement. Habitués à ce contexte de sanctions, les dirigeants économiques et politiques vont ainsi devoir adopter de nouvelles pratiques et approches géoéconomiques. Des retombées économiques de près de 135 milliards d’euros sont attendues dans le pays. La levée des sanctions risque également d’avoir un impact important sur le marché de l’énergie : l’Iran sera désormais en capacité d’exporter ses importantes réserves d’hydrocarbures. De même, à l’échelle internationale, c’est l’ouverture d’un nouveau marché et de nouveaux débouchés que va offrir ce pays de 78 millions d’habitants. A cet égard, le pays a des besoins importants en matière d’investissements étrangers dans les secteurs des transports et de l’industrie.

Du point de vue régional, la détente des relations entre l’Iran et les pays occidentaux laisse augurer, au-delà de la question sécuritaire liée au développement de l’arme nucléaire, une nouvelle coopération. Ainsi, dans le cadre de la lutte contre Daech en Irak et en Syrie, le ministre des affaires étrangères russe souligne que cet accord va rendre possible une coalition large pouvant s’appuyer sur un allié régional de poids. L’Iran serait ainsi en capacité de projeter entre 40000 et 60000 hommes sur le terrain. En parallèle, d’autres voix comme Israël se font entendre. Le Premier Ministre israélien a ainsi qualifié d’«erreur historique » l’accord du 14 juillet. Si ses propos s’inscrivent dans la continuité de la posture d’Israël à l’égard de l’Iran, ils ne manquent pas d’isoler le pays en contrastant avec la position des grandes puissances. Pour l’heure, l’application effective de l’accord reste à mettre en œuvre, et déjà des analystes s’interrogent sur la façon dont l’Iran compensera à l’échelle interne cette marque d’ouverture.

(1) L’économie réelle de l’Iran, Au-delà des chiffres, M. Makinsky, 2014

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