Comprendre le renforcement de l’arc sunnite – 1/2
Le terme d’ « arc » est souvent utilisé pour aborder l’alliance chiite entre Téhéran, Damas et le Hezbollah au Liban. Depuis 2003, cet arc a été conforté par la mise en place d’un régime chiite à Bagdad. En opposition, les pays sunnites du Moyen-Orient se sont progressivement organisés pour contenir cette montée en puissance. Négociations sur le nucléaire iranien, déstabilisation du Yémen, soutien au régime de Damas : ces évènements résonnent comme une menace croissante pour les pays du Golfe. En opposition à cet arc chiite jugé préoccupant pour leurs intérêts, comment les puissances sunnites s’organisent-elles pour contrecarrer les plans de Téhéran ? Quel leadership pour le royaume d’Arabie Saoudite ?
L’Arabie Saoudite : pierre angulaire de ce front sunnite
Au-delà d’être l’épicentre du monde musulman sunnite en accueillant d’importants lieux de culte comme la Mecque ou Médine, l’Arabie Saoudite est aussi la première puissance régionale de la région du Golfe. Depuis la Révolution islamique en 1979, l’Arabie Saoudite a surpassé économiquement l’Iran. Même si le royaume dispose de la plus importante démographie parmi les pays sunnites du Golfe – 28 millions d’habitants -, elle se sent toutefois menacée par les 80 millions d’Iraniens. Si l’on s’attarde sur l’économie, l’Arabie Saoudite tire 90% de son budget des recettes du pétrole. Elle bénéficie de 16% des réserves mondiales et produit 13% du pétrole mondial. Si le pays s’est hissé à ce niveau de production, c’est parce qu’il dispose des meilleurs champs pétrolifères : ces derniers sont importants, mais ils sont surtout très exploitables économiquement car peu profonds.
Une puissance financière dépendante de l’or noir
L’Arabie Saoudite est donc l’incarnation type de la pétromonarchie. Cependant, cela la handicape dans son rôle de leadership du monde sunnite. Trop concentrée sur secteur pétrolier, l’Arabie Saoudite n’arrive pas à se diversifier et à remplir tous les rôles d’une puissance hégémonique. Elle tire donc son influence de ses pétrodollars. Son leadership au sein de l’OPEP lui permet notamment de participer à la chute du cours du baril via une surproduction. L’objectif était d’ajouter au poids des sanctions, la diminution des recettes budgétaires iraniennes. Aujourd’hui, l’ouverture progressive de l’Iran est devenue une menace pour ses intérêts. Son voisin est en effet le 4ème à disposer des plus grosses réserves mondiales de pétrole. La réouverture de ce marché peut marquer le retour prochain de l’Iran. Même si l’Arabie Saoudite détient le double du PIB iranien, elle affiche néanmoins plus de difficultés à se reconvertir contrairement à une économie iranienne qui a été forcée à la résilience par les sanctions et qui a réduit sa dépendance financière au pétrole. Face à ses défis, l’Arabie Saoudite tente économiquement de se diversifier en investissant dans les énergies renouvelables comme en atteste les contrats signés aujourd’hui lors de la visite de Manuel Valls à Riyad. Elle tente également de mettre à profit sa puissance financière pour sa sécurité et celle du Golfe plus généralement.
Une puissance militaire paradoxale
Etats-Unis, Russie et Chine sont souvent connus pour être les 3 premiers budgets de défense. Il n’est pourtant pas anodin de souligner que l’Arabie Saoudite se hisse à la 4ème place dans ce classement. En 2014, elle a augmenté ses dépenses de 17% pour atteindre près de 81 milliards de dollars. Pour autant, son imposant budget ne reflètent en rien ses capacités militaires. Premièrement, le pays ne dispose pas d’une industrie militaire satisfaisante, elle dépend de l’étranger pour se constituer sa défense. Deuxièmement, elle n’a pas acquis de tradition militaire comme peuvent en avoir la Turquie ou l’Egypte. A ce titre, la défense saoudienne est érodée par le manque d’entretien, la sous-utilisation, le manque de stratégie… Le pays présente donc le paradoxe d’être doté d’équipements de haut niveau, mais ne dispose pas du savoir-faire pour les utiliser et les entretenir de façon optimale.
L’arc sunnite est donc incarné par un chef d’orchestre : l’Arabie Saoudite. Cependant, nous pouvons constater que ce royaume base sa domination uniquement sur son pétrole et sa sécurité. Elle surinvestit dans ce domaine afin de combler ses déficits en matière de défense. Consciente de ses faiblesses, nous verrons comment le royaume d’Arabie Saoudite centralise cette alliance sunnite et s’appuie sur plusieurs autres pays pour riposter face à l’extension de la sphère d’influence chiite.