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L’attentat d’Istanbul changera-t-il la position turque au Moyen-Orient ?

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L’attentat de la semaine dernière, qui a fait dix morts, n’est pas le premier que la Turquie a eu à subir ces derniers mois. Aucun n’a réussi à infléchir la politique en place, bien au contraire. Mais la localisation ainsi que la cible visée devrait être pourtant de nature à faire réfléchir le gouvernement d’Erdogan.

L'attentat d'Istanbul aura-t-il le même impact que ceux de Paris sur le peuple turc ?
L’attentat d’Istanbul aura-t-il le même impact que ceux de Paris sur le peuple turc ?

Il ne fait pas peu dire que la Turquie fait l’actualité ces derniers mois, et le nombre d’articles que nous lui avons consacrés en sont bien la preuve. L’attentat de mardi dernier, dans le quartier touristique de Sultanahmet, fait suite à d’autres attaques perpétrées par l’EI (ou de personnes se revendiquant de l’être), comme celle qui frappa des dizaines de militants pro-Kurdes à Ankara en octobre dernier. Néanmoins, l’attaque de mardi a un tout autre impact. C’est Istanbul la cosmopolite qui est visée, et particulièrement la ville attirant des millions de touristes chaque année. Il ne s’agit donc pas d’une énième attaque contre des militants ou activistes politiques.

Avec le tournant très nationaliste entrevu depuis quelques années, le gouvernement turc s’attire chaque jour plus d’ennemis, tant internes qu’externes. Nous ne parlons pas seulement des Kurdes, ennemis publics n°1 pour Erdogan, que ce dernier ne se prive pas de tenter d’écraser. L’EI en est un, même si Erdogan est loin d’être aussi revendicatif envers eux que beaucoup le souhaiteraient. L’Erdoganistan considère en effet que les Kurdes sont un danger bien plus important pour la survie du régime, et la présence militaire dans le sud-est turc, près de la « frontière » syrienne, stationne bien plus pour s’attaquer aux Kurdes que pour défier les militants de l’EI pénétrant en Turquie, pour certains en tant que simples réfugiés. Les ripostes aériennes en Irak et en Syrie de la fin de la semaine dernière devront être continues pour mettre la Turquie au même niveau que d’autres membres de la coalition.

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Comme l’économie est en difficulté, Erdogan a bon dos d’accuser les puissances étrangères de ne pas lutter plus efficacement contre l’EI ni pour l’aider à contenir le flot migratoire continu. Pourtant, les choix politiques trucs ont pour impact d’hystériser certaines tensions : la mutation idéologique du régime, d’un laïcisme kémaliste à un islamisme modéré d’Etat, semble plus sectariser le pays que l’unifier. Pour un résultat pour l’instant inquiétant : coupé du chiisme et du poutinisme, guère proche du sunnisme et de plus en plus pensé comme une girouette par l’Occident, la Turquie n’a guère plus d’alliés dans la région, alors qu’elle était unanimement pensée comme un facilitateur crédible avant les printemps arabes au Moyen-Orient.

A trop vouloir en faire contre les Kurdes, au point de refuser toute aide pourtant utile aux combattants kurdes en Syrie, la Turquie défend une stratégie difficilement lisible et peu réjouissante pour son avenir. Toute polarisation interne, tant politique que religieuse, est rarement signe d’un brillant avenir, comme certains exemples passés ou actuels dans la région l’ont montré. De plus, quelques dérives autoritaires du pouvoir, démontrées par certains exemples, rendent une confiance mutuelle entre la Turquie et ses partenaires plus difficile à obtenir. Seul l’avenir dira bien évidemment si Erdogan est pertinent dans ses choix. Pour le moment, à la fois en interne et en externe, la pertinence de ses décisions demeure fort discutable.

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