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Jordanie : remise en question de la politique gouvernementale

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Flambée des prix des principaux services de base tels que le pain et le carburant, déficit financier s’élevant à 1,75 milliard de dollars, tel est le quotidien que subissent les Jordaniens depuis le début de l’année. A ceci, s’ajoute un manque de confiance grandissant envers le gouvernement. Cette saturation générale a engendré de nombreuses manifestations nocturnes pendant une semaine, début juin. Cette contestation, initialement populaire, a peu à peu gagné la sphère politique.

Début juin, des manifestations ont eu lieu dans les principales villes du pays notamment dans la capitale, Amman.

Arrière-plan : d’une politique d’austérité fortement contestée à une crise politique 

Le lundi 4 juin 2018, Hani al-Mulki, alors Premier ministre jordanien depuis mai 2016 a été contraint à la démission. Cette décision a été causée par la politique sociale défendue par le gouvernement. En effet, depuis l’annonce de nombreuses mesures d’austérité (dont l’annonce d’un projet étendant l’impôt sur le revenu à des salaires plus modestes tout en souhaitant la hausse des prix sur le pétrole et l’électricité), la population jordanienne martèle qu’elle « ne s’agenouillera pas » devant de telles décisions. Elle a alors multiplié les manifestations dans le pays. Dans ce pays où le chômage touche plus de 18% de la population, et où 70% des habitants a moins de trente ans, la colère se fait de plus en plus sentir. Les faibles perspectives d’évolutions, ainsi que les carences dans les domaines de la santé et de l’éducation n’arrangent pas la situation.

La démission de Hani al-Mulki, ainsi que la volonté du roi Abdallah II de proposer une révision complète du projet tant contesté, n’ont pas calmé le bruit de la rue. Après une semaine de manifestations nocturnes, dans plus d’une cinquantaine de villes, le nouveau Premier ministre, Omar al-Razzaz, a fait part de sa décision de renoncer au précédent projet de loi, pourtant présenté sur les recommandations du Fonds monétaire international (FMI). Outre la forte contestation du projet, les manifestants (essentiellement des classes moyennes) ont également pour objectif « d’accuser la classe politique de corruption et de gaspillage des fonds publics », témoignant ainsi d’une forte défiance à l’égard du pouvoir. Le peuple jordanien n’est plus satisfait de la manière (traditionnelle) dont il est gouverné.

Les multiples soutiens financiers des différents donateurs

Face à cette crise économique et sociale démesurée, plusieurs pays se sont mobilisés pour fournir une aide financière à la Jordanie, lors d’une réunion à La Mecque. A titre d’exemple, nous pouvons citer l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït. Les trois États sont assemblés pour accorder une aide de 2,5 milliards de dollars. Selon certaines sources, cette aide financière ne serait pas le fruit d’une pure générosité mais serait somme toute, motivée par la crainte de voir surgir un nouveau « printemps arabe ». Outre cette aide, les pays promettent également un soutien budgétaire sur cinq ans ainsi que la participation financière à des projets de développement. Quant à l’Union européenne, elle a affirmé sa volonté de sortir la Jordanie de la crise en lui fournissant une aide d’environ vingt millions d’euros.

De son côté, le Qatar, grand ennemi de l’Arabie saoudite, a annoncé un ensemble d’investissements s’élevant à hauteur de 500 millions de dollars à destination de la Jordanie. Il s’agit principalement de projets d’infrastructures et touristiques. Le gouvernement qatari propose également de mettre à disposition environ dix mille emplois aux jeunes Jordaniens à Doha. 

Un pays fragilisée par son économie, mais également par les stratégies diplomatiques menées par Riyad et Washington 

Depuis plusieurs décennies, la « survie » du royaume jordanien, pauvre en ressources, dépend d’aides dispensées par des pays comme les États-Unis ou les pays du Golfe, dont l’Arabie saoudite. Cette aide est jugée d’autant plus nécessaire qu’avec la guerre en Syrie, de nombreux Syriens (à hauteur d’un million) viennent trouver refuge en Jordanie, pesant ainsi fortement sur l’économie du pays, son marché du travail ainsi que sur ses infrastructures.

En raison de différends géopolitiques avec les pétromonarchies du Golfe, les relations se sont quelque peu tendues. En effet, les positions diplomatiques régionales jordaniennes (la cause palestinienne, la guerre au Yémen…) se trouvent à l’opposé de celles soutenues par l’Arabie saoudite. De ce fait, cette dernière cherche à faire pression sur la Jordanie, en suspendant son aide financière. Concernant le conflit qui fait rage au Yémen, le roi Abdallah II a refusé d’engager pleinement ses troupes, ce qui a eu pour effet de froisser Mohammed ben Salmane. La Jordanie a également offensé les États-Unis en protestant contre leur décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. En effet, près de 65% de la population jordanienne est d’origine palestinienne. 

Partagée entre plusieurs camps, subissant une pression de ses principaux alliés, luttant contre une corruption gangrenant la société, devant faire face au problème des réfugiés dans une économie en déroute, comment la Jordanie parviendra-t-elle à sortir de ce conflit multidimensionnel ? 

 

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