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Elections et démocratie au Caucase-Sud

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Le 28 novembre, Salome Zourabishvili gagnait les élections présidentielles en Géorgie. Le 9 décembre, auront lieu les élections législatives en Arménie. Les deux pays qui semblent prendre le chemin de la démocratie, connaissent toutefois de fortes tensions.

Salomé Zourabichvili, élue Présidente de Géorgie

Elections contestées en Géorgie

Salomé Zourabishvili, franco-géorgienne (qui a abandonné sa nationalité française), a gagné les élections présidentielles géorgiennes, sous la bannière du parti Rêve géorgien – Géorgie démocratique. Ce parti conforte ainsi sa position politique : c’est sa deuxième victoire à la présidence de la République de Géorgie. Toutefois, cette victoire est contestée par l’opposition. Rêve géorgien a été fondé par le milliardaire Bidzina Ivanishvili, qui aurait notamment utilisé sa fortune pour acheter de nombreuses voix. Les observateurs internationaux ont effectivement noté des irrégularités, sans remettre en cause le scrutin définitif, contrairement à l’opposition, dirigée par le Mouvement National Uni. Le MNU a organisé une grande manifestation à Tbilissi le 2 décembre, remettant en cause le résultat des élections. Les responsables de Rêve géorgien, et la Présidente Zourabishvili n’ont montré aucun signe de volonté de dialogue et considèrent la victoire acquise.

Si Grigol Vashadze, candidat du MNU, a perdu les élections, ce n’est peut être pas seulement à cause des fraudes, mais également d’un soutien indésirable : celui du fondateur du MNU et ancien Président géorgien, Mikhail Saakashvili. Tant Zourabishvili que Vashadze ont été ministre des Affaires étrangères de Saakashvili. Saakashvili est poursuivi pour abus de pouvoir depuis plusieurs années, et il a fui le pays à la fin de son mandat pour échapper à des procès qu’il a qualifié de « politiques ». Selon plusieurs observateurs étrangers comme Lincoln Mitchell, le soutien de Saakashvili pour Vashadze a coalisé l’opposition contre lui, devenant des votes pour Zourabishvili.

La révolution mais pas trop

En Arménie, la problématique est très différente : le leader de la révolution de velours, Nikol Pashinyan, a réussi un coup de force en se faisant nommer Premier Ministre en mai 2018, auprès de partis quasiment tous liés à « l’ancien régime ». Il n’avait toutefois pas de majorité propre et a du faire une coalition, principalement avec deux partis, l’Alliance Tzarukyan, détenue par l’oligarque éponyme, et la FRA Dachnaktsoutioun, parti qui s’est rallié à Pashinyan après la démission de l’ancien Premier Ministre Serzh Sargsyan.

Pashinyan a voulu organiser des élections législatives anticipées, les premières post-révolution. Les deux partis soutiens y ont vu une perte probable de leur assise au parlement arménien et ont fait blocage. Pashinyan a alors démissionné de son poste de Premier Ministre pour obliger de nouvelles élections. Son parti, Yelk, est donné largement vainqueur, mais personne n’est à l’abris d’une surprise. S’il n’obtenait pas la majorité, il devrait tenter de gouverner en coalition. Les partis de « l’ancien régime » pourraient alors empêcher sa nomination en tant que Premier Ministre, voire constituer leur propre coalition, ce qui serait une victoire des oligarques. Les élections auront lieu le 9 décembre, et tant l’Alliance Tzarukyan que la FRA sont entrés dans l’opposition à Pashinyan. Ces partis, comme le Parti Républicain de Sargsyan, ont conservé des liens de clientélisme puissants, en particulier dans les provinces, comme celle du Syunik au sud. C’est donc un coup de poker politique auquel s’est livré Pashinyan.

L’influence russe, encore et toujours

Sur la scène internationale, les deux pays sont dans des situations difficiles par rapport à la Russie. Pour la Géorgie, la défaite du MNU, clairement pro-américain et pro-européen, marque une victoire de Moscou. Zourabishvili a d’ailleurs critiqué Saakashvili dans sa volonté de s’opposer à la Russie sans tenir compte des capacités des deux Etats dans un rapport de force, voir dans un conflit armé. La défaite de Vashadze permet à la Géorgie de ne pas s’aliéner Moscou. Toutefois les perspectives de solutions sur les questions abkhazes et sud-ossètes, le principal conflit entre la Géorgie et la Russie, restent on ne peut plus éloignées.

Dans le cas de l’Arménie, Nikol Pashinyan a été présenté comme un agent de l’étranger, tant par les oligarques que par la Russie. Les oligarques qui ont fui le pays ont tous trouvé refuge en Russie et les relations entre Moscou et Erevan se sont quelque peu détériorées, sans être totalement froides. L’Arménie reste largement isolée entre la Turquie qui maintient la frontière fermée, l’Azerbaïdjan en conflit gelé, et l’Iran sous sanctions internationales, malgré une coopération. Si Pashinyan était élu, il devrait trouver de nouveaux terrains d’entente avec Moscou. À l’inverse, des ingérences russes dans les élections ne sont pas à exclure.

Bibliographie

DREANO B., Guerres et paix au Caucase

MINASSIAN G., Caucase du Sud, la nouvelle guerre froide

PAPAZIAN T., L’Arménie à l’épreuve du feu

RAZOUX P., Histoire de la Géorgie

Sources

https://eurasianet.org/georgians-sort-through-bitter-aftermath-of-presidential-election

https://eurasianet.org/former-ruling-party-aims-for-comeback-in-armenian-parliamentary-elections

https://www.georgianjournal.ge/politics/35330-exclusive-interview-with-lincoln-mitchel-american-political-analyst-and-georgia-expert.html?fbclid=IwAR3qWHT5h9vZSzDUIBLsi4elk0gLIVwjZHccptDMtx8cK-glxKeMcxO38f4

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