La faillite d’Enron
« Ask Why » : ce fut, ironiquement, le slogan de l’entreprise américaine étant responsable de la plus grosse fraude comptable du siècle.
Fondée en 1985 par Kenneth Lay, possédant à la base un réseau de gazoducs classique, l’entreprise se développe comme producteur et transporteur de gaz, puis s’occupe de la vente sur les marchés de gros. Au début des années 1990 et avec l’arrivée de Jeffrey Skilling, ancien consultant de McKinsey, Enron adopte un nouveau model avec la création de la « Gas Bank », une chambre de compensation pour le gaz. Enron se place au centre de toutes les transactions et, grâce à cette plate-forme, offre des produits financiers dérivés à ses clients. L’entreprise se développe et s’étend à toutes les matières premières. Cette politique sera suivie en 2000 par le lancement d’une plate-forme de trading où seront négociés jusqu’à 2100 produits. Enron est ainsi devenue en termes de capitalisation boursière la septième entreprise américaine. Encensée par la presse et les analystes financiers comme nouveau modèle d’entreprise, sa valeur boursière ne cessait de croître (90% en un an). Le magazine Fortune l’élit même six ans de suite « entreprise la plus innovatrice ».
En effet, Enron a innové… Elle profite de la déréglementation du marché en Californie et exploite au maximum ses failles, n’hésitant pas à couper l’électricité pour faire monter le prix du KW/H. Mais ce pourquoi Enron s’est fait connaître est sa pratique de falsification comptable à l’aide de sociétés écrans enregistrées dans des paradis fiscaux. Elle les employait pour transformer des emprunts en profits et ainsi gonfler artificiellement son bilan. La manipulation, résumée à l’extrême est la suivante : La société écran vend pour un million de dollars de gaz à la banque (elle reçoit l’argent mais ne livre pas). Puis Enron vend pour un million de dollars de gaz à la société écran (elle reçoit le million de la banque). Enfin, Enron achète à la banque pour 1,05 million de dollars de gaz et paie en plusieurs fois : c’est un emprunt caché. Voilà : Enron vient de faire passer un emprunt d’un million de dollars de gaz pour un résultat.
L’éclatement de la bulle internet en 2000-2001 fait tanguer les valeurs Enron dont les partenaires banquiers demandent le remboursement des emprunts qui, dès lors, réapparaissent au bilan. Le 2 décembre, la multinationale se déclare en faillite ; le cours de l’action chute à un dollar en quelques mois. Environ 20 000 salariés sont immédiatement licenciés, et des centaines de milliers de petits épargnants, ayant confié leurs fonds de pension à Enron, perdent l’essentiel de leur capital-retraite, celui-ci étant constitué au deux tiers de parts dans l’entreprise. Le cabinet Arthur Andersen, qui avait cautionné une partie de la manipulation, tombe aussi après avoir essayé de faire disparaître les preuves. Les responsables sont condamnés et cette affaire conduit au changement des normes comptables des entreprises (normes IAS IFRS). Jeffrey Skilling purge une peine de 24 ans et Ken Lay est mort d’une attaque cardiaque peu après le verdict.