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Quel avenir pour le charbon à l’horizon 2040-2050?

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Avec 38 % de la production d’électricité, le charbon reste en 2019 la première source d’énergie utilisée dans le monde. Pourtant, depuis quelques années, le ciel s’est assombri sur une filière fortement émettrice en CO2. Déjà, l’accord de Paris et son objectif de limiter à 2°C la hausse des températures d’ici à 2050 font du charbon la cible idéale des politiques environnementales. À cela se sont rajoutées les annonces d’investisseurs importants comme BlackRock ou les fonds souverains qataris et norvégiens. Ces derniers ont indiqué vouloir mettre fin à leurs engagements dans l’industrie charbonnière. Dans ces conditions, le charbon a-t-il encore un avenir à l’horizon 2040-2050 ?

 

Le déclin inexorable du charbon en Europe et aux États-Unis

Au moment où la production décline en Europe et aux États-Unis, le charbon continuera à jouer un rôle important pour alimenter la demande d’énergie sur le continent asiatique.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, l’Asie représentera près de 80 % de la demande de charbon en 2024.

En Europe et aux États-Unis, l’avenir du charbon est plutôt morose. Connaissant un déclin continu depuis 2010, l’industrie devrait subir dans ces deux régions une diminution annuelle de 2,5 % de la demande d’ici 2025. Puis cette dernière se maintiendrait à ce plateau historiquement bas jusqu’en 2040.

En Europe, le charbon devrait avoir disparu du mix énergétique dans 16 pays de l’UE d’ici 2025. L’Allemagne a quant à elle fixé à 2038 la fin de sa production charbonnière. Même la Pologne, longtemps réticente à abandonner une industrie vitale pour son indépendance énergétique, s’est engagée à réduire la part du charbon dans son mix électrique. Varsovie s’est ainsi conformé aux objectifs de neutralité carbone d’ici à 2050 pris par la Commission européenne.

Cependant, ce déclin ne doit pas être interprété comme étant simplement le fruit de régulations administratives. Au contraire, les maux du charbon sont à trouver dans un manque de compétitivité générale face à la baisse des coûts du renouvelable et surtout du gaz naturel. Les prix se sont en effet effondrés depuis 2014 pour cette source d’énergie. Aux États-Unis, par exemple, ce ne sont pas les régulations environnementales qui sont à l’origine du déclin charbonnier mais bien l’arrivée massive de gaz de schiste. Ainsi, malgré les politiques favorables de l’administration Trump, le charbon ne cesse de perdre des parts de marché dans le mix énergétique américain.

Un charbon résilient en Asie d’ici à 2040

Contrairement à l’Europe ou aux États-Unis, l’Asie devrait voir le charbon jouer un rôle important à l’avenir. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le continent devrait représenter près de 80 % de la demande de charbon dans le monde en 2024. Surtout, la production charbonnière devrait continuer à augmenter jusqu’en 2030 puis décliner légèrement jusqu’en 2040. Ceci s’explique par la relative jeunesse des centrales à charbon asiatiques. Mises en exploitation seulement au début des années 2010, elles ne devraient amorcer leur déclin qu’entre 2030 et 2040. À cela il faut ajouter le fait que le continent asiatique continue encore aujourd’hui d’ouvrir de nouvelles centrales.

Le Pakistan et le Bangladesh, par exemple, ont tous deux récemment mis en service des capacités charbonnières. De même, l’Australie a ouvert une mine gigantesque dans la région du Queensland. Cette orientation pro-charbon s’explique par la forte demande en énergie d’un continent en plein rattrapage économique. Bien qu’étant en augmentation constante, les renouvelables n’ont ainsi pas la capacité de répondre complètement à cette hausse de la demande. De même, ils souffrent de problèmes liés à l’intermittence de la production (solaire et éolienne) ainsi qu’à la maîtrise des chaînes de valeur. À l’inverse, le charbon est une source fiable dont la production ne requiert pas un savoir-faire technologique conséquent. Enfin, les pays asiatiques considèrent qu’arrivés tardivement au stade du développement, ils ne sont pas responsables du taux de concentration de CO2 dans l’atmosphère. Par cet argument « historique », ils justifient ainsi le maintien de leurs capacités en charbon.

 

Un déclin lent et progressif pour la Chine jusqu’en 2050

De tous les pays de la planète, la Chine est incontestablement la première puissance charbonnière. Commandant près de la moitié de la production mondiale, le pays est donc clé pour l’avenir de la filière. Or, selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), la consommation de charbon a atteint son pic en 2013. Elle devrait ensuite baisser significativement d’ici à 2050 (près d’1/3 de baisse en volume par rapport au niveau de 2013). Cette baisse s’explique d’une part par la transformation de l’économie chinoise davantage centrée sur les services et la consommation intérieure. D’autre part, la Chine est sur le point de maîtriser les chaînes de valeur des énergies renouvelables rendant le charbon moins utile en matière d’indépendance énergétique.

Pourtant, cette diminution sera lente et progressive. Selon l’EIA, le charbon continuera ainsi à fournir près de 30 % de l’électricité du pays en 2050. Pour Pékin, en effet, l’industrie charbonnière est considérée comme indispensable à la stabilité sociale. Un argument qui importe particulièrement dans les provinces sinistrées du Nord-Est du pays. La montée en puissance des technologies de capture et de stockage du CO2 permet également à la Chine de réduire significativement la pollution de l’air engendrée par les centrales à charbon. Or, ce résultat rend d’autant plus attractif le maintien de cette source dans le mix énergétique.

Déclinant en Europe et aux États-Unis, résilient en Asie, telle sera au fond la nouvelle géographie du charbon dans les années à venir. Loin d’être insignifiante, cette transformation aura sans nul doute des conséquences majeures sur les négociations climatiques en cours.

 

Sources :

Sylvie Cornot-Gandolphe, « Status of global coal markets and major demand trends in key regions », Études de l’IFRI, juin 2019.

Agence international de l’énergie (AIE), World Energy Outlook 2019, Flagship report, novembre 2019.

AIE, Coal 2019, Executive summary, décembre 2019.

Agence américaine d’information sur l’énergie (IEA), International Energy Outlook 2019 with projections to 2050, 24 septembre 2019.

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Quentin PARES

Quentin Pares est diplômé d’un Master 2 de Grenoble Ecole de Management (GEM) et est étudiant à l’IRIS. Il est spécialisé dans les questions énergétiques et d'économie internationale.

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