Le traité de Versailles (1919), le tournant d’une paix manquée ? (2/2)
Malgré des velléités pacifistes réelles, le traité de Versailles est unanimement considéré comme une source des instabilités de l’entre-deux-guerres.
Traité de Versailles, un Diktat ?
L’article 231 qui fait peser sur l’Allemagne des charges qu’elle ne peut décemment pas assumer, ainsi que l’absence de cette même Allemagne à la conférence de Paris atteste d’une paix impossible. D’autant, que parmi les vainqueurs, une scission apparaît entre Clemenceau, dont le but principal est de faire payer l’Allemagne, et les dirigeants anglais et américain qui veulent laisser une certaine puissance à l’Allemagne. Désormais vidée de ses ressources économiques, commerciales et militaires, la République de Weimar, signataire du traité, est une démocratie fragile et mise en péril car considérée comme responsable de l’affaiblissement allemand. Les ressentiments nationalistes s’exacerbent également en Italie au sujet des provinces de la Dalmatie, du Trentin et de l’Istrie. Cela aboutit à la formation d’un terreau favorable à la diffusion d’un nationalisme virulent (mouvement des Faisceaux de Mussolini).
Par ailleurs, le traité de Versailles entre en contradiction avec le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » en ne prenant pas en compte les nationalités lors du dépècement de l’empire austro-hongrois, ou en interdisant aux autrichiens germanophones de se rattacher à l’Allemagne. Enfin, le Sénat des Etats-Unis, pays porteur du projet de reconstruction européenne, ne ratifie pas le traité de Versailles et réduit donc considérablement la portée universelle de la Société des Nations.
Une paix « bâclée » ?
Le traité de Versailles est notamment considéré comme un échec du point de vue économique. John Maynard Keynes rédige en 1919 Les conséquences économiques de la paix, dans lequel il écrit au sujet du traité : « Un règlement sans noblesse, sans moralité et sans intelligence ». La thèse principale de ce pamphlet est que le traité de Versailles va affaiblir les peuples européens car l’objectif de rétablissement de la santé économique de l’Europe a été négligé. L’attachement au passé plutôt que la projection dans le futur est l’une des critiques que Keynes fait à Clemenceau.
L’échec de la paix est cristallisé par celui de la SDN. L’absence de véritables forces d’intervention, la faiblesse des pouvoirs (décisions prises uniquement à l’unanimité) et la non-adhésion des Etats-Unis en font plutôt un mythe généreux. Si des succès sont enregistrés par la SDN dans les premiers temps (prévention de conflits dans les Balkans), l’organisation est démunie face à l’invasion de la Mandchourie par le Japon en 1933 ou celle de l’Ethiopie par l’Italie en 1935. La déclaration de la Seconde Guerre mondiale interrompt définitivement les activités de la SDN en 1939.
Le traité de Versailles contribue ainsi à faire de l’Allemagne un Etat mineur à la souveraineté limitée. Dans la même veine, les traités de Saint-Germain-en-Laye, Trianon et Sèvres entraînent de nouvelles découpes territoriales et, par voie de conséquence, le mécontentement de nombreuses minorités dans le reste de l’Europe. François Furet parle alors d’une « miniaturisation des haines nationales » à partir de 1919. Les traités de paix sont le terreau nourricier des leaders et des partis révisionnistes qui dominent l’entre-deux-guerres.
En conclusion, le traité de Versailles est une paix manquée pour tous les belligérants. L’historien Michel Launay a d’ailleurs titré son livre en 1999 : Versailles, une paix bâclée ? Le XXe siècle est mal parti. Il est vrai qu’il fut porteur de ressentiments et d’une instabilité chronique dans l’Europe de l’entre-deux-guerres, sans oublier l’échec sur le moyen terme du rôle attribué à la SDN.