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Le règne de Nicolas 1er (1825-1855)

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Le règne de Nicolas 1er en Russie est marquée par le despotisme sur tous les plans. Il révèle surtout les faiblesses russes.
Le règne de Nicolas 1er en Russie est marquée par le despotisme sur tous les plans. Il révèle surtout les faiblesses russes.

A la mort d’Alexandre 1er, en 1825, la Russie n’a pas de descendance. Au régime doré du tsar vainqueur de Napoléon succède une crise de régime historique. Dans l’ordre de la lignée, son frère Constantin devrait prendre la relève mais il refuse pour protéger sa vie privée. C’est donc son autre frère, Nicolas, futur Nicolas 1er qui doit lui succéder. Les tergiversations des deux protagonistes, dialoguant à distance retardant le moment de la succession, creusent un sillon pour les revendications de la noblesse : c’est le coup d’état des décembristes. Le prince Serge Troubetzkoï réunit trois régiments de mutins, soit deux mille hommes sur la place du Sénat de Saint-Pétersbourg où les civils s’ameutent et tente de soulever la garnison pour imposer un train de réformes abolissant le servage et instituer une constitution garantissant la liberté d’opinion et d’expression. Pour la première fois, les élites formées aux idées libérales françaises qu’elles ont ramenées de leur campagne de France, se soulèvent.  Ce coup d’Etat, c’est la revanche de Napoléon sur son bourreau. Nicolas 1er veut affirmer son pouvoir et fait donner l’artillerie qui réprime le rassemblement dans le sang.

Cette répression, c’est le symbole du règne de Nicolas 1er : le retour au despotisme. Dès 1826, un Code de la censure est instauré, une police politique installée. L’armée reprend les rênes du pouvoir, les universités sont contrôlées, les publications occidentales interdites tout comme les voyages en Europe. Le territoire est quadrillé en districts qu’un corps de gendarmes, fraîchement institué, administre. Enfin, Nicolas 1er  crée un statut de fonctionnaires pour contrer la noblesse qu’il n’aimait guère depuis leur coup d’éclat de 1825.

Ce conservatisme impérial est retrouvé dans deux domaines de la vie russe : les débats intellectuels et la politique étrangère.

La vie intellectuelle du règne est marquée par le duel entre Pouchkine (Cavalier de Bronze) qui fait partie de l’aristocratie arrimée à l’Europe, hantée par la gloire impériale et Gogol (Âmes mortes) qui dépeint la Russie profonde. Par ses réformes  fermant le pays aux idées nouvelles, le tsar favorise la montée paradoxale d’une Russie des salons débattant des idées en cours. La question lancinante pour les intellectuels russes est de déterminer la place de la Russie entre Orient et Occident. Deux courants s’affrontent : les slavophiles contre les occidentalistes. Pour les premiers, dont Odoïevski, l’Occident va choir et la Russie sera dès lors reconnue comme innoncente et pure, en dehors de tous les crimes commis par les révolutionnaires occidentaux. Pour eux, l’âme russe a été damnée par le règne de Pierre le Grand : la vraie Russie, c’est la communauté paysanne et les anciennes institutions russes (zemski sobor). En face, les occidentalistes (Herzen) récusent toute idée de particularisme russe et estiment que la Russie fait partie de l’Occident et doit être solidaire de son évolution. Il va de soi que les slavophiles ont le vent en poupe lors de ce règne particulier.

En matière de politique étrangère, Nicolas 1er se considère comme le garant de l’ordre européen. Tout bouge : pourtant tout doit demeurer. Les révolutions de 1830 aboutissent à l’écrasement de l’insurrection polonaise (dont le pays sera en 1832 inclue dans l’Empire russe) et, surtout, à la signature d’un traité avec la Prusse et l’Autriche qui consiste à répondre à toute menace intérieure ou extérieure en Europe. Pour la première fois, les pays s’octroient, dans le droit international, le droit de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres Etats : ce fut le cas en 1846 à Cracovie.

Toutefois, du règne de Nicolas 1er demeure dans les mémoires la coalition européenne contre Moscou en Crimée entre 1853 et 1856. Pourquoi en être arrivés là ? En 1829, par le traité d’Andrinople, Nicolas 1er entérine une nouvelle victoire contre les perses : la Russie obtient les bouches du Danube, le droit de passage des détroits, la Moldavie et la Valachie et des terres du Caucase. Acculé, l’empire ottoman se résout à un revirement stratégique majeur : par le traité d’Unkiar-Sklelessi de 1832, il s’allie avec la Russie des tsars. La mer noire devient un étang russe. Prenant appui sur une crise religieuse (la crise des lieux saints lors de laquelle l’empire ottoman acceptait le contrôle monopolistique des lieux saints par les autorités orthodoxes russes), une coalition franco-anglaise soutenue par l’Autriche se forme et attaque la Russie sur ses terres dès 1853. Sébastopol est bombardée, assiégée, réduite en cendre dans un carnage sanglant d’une durée d’un an. En 1855, la ville tombe et la Russie se résout à la paix. Nicolas 1er succombe la même année, avant de signer l’humiliant traité de Paris en 1856, reléguant la Russie au rang de puissance secondaire.

Cette défaite militaire revêt une dimension particulière dans l’histoire russe : elle dévoile très clairement le besoin de réformes intérieures et extérieures du pays. Nicolas 1er, dans son anti-occidentalisme, n’avait-il pas ralenti le développement des chemins de fer, retard qui fit perdre un temps précieux dans l’acheminement du matériel militaire et des troupes lors de la guerre de Crimée ? Ce règne de Nicolas 1er illustre ainsi l’interrogation lancinante de Moscou, oscillant entre Orient et Occident et cherchant en elle-même sa particularité. Question qui reste encore  d’actualité aujourd’hui, même si le successeur de Nicolas 1er, Alexandre II, tenta d’y répondre.

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