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Les réseaux de métropoles : nouveaux laboratoires de la gouvernance mondiale

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Michael Bloomberg, ancien maire de New York

Lors du forum CityLab, (réunion mondiale de maires) qui s’est tenu à Paris du 22 au 24 octobre,  Michael Bloomberg a affirmé que  « l’ère des villes ne (faisait) que commencer, tout comme l’ère des réseaux des villes ». L’ère des Etats toucherait-elle donc à sa fin, du moins en ce qui concerne la gouvernance mondiale ? 

Confrontées aux mêmes défis que les Etats, les métropoles disposent en effet d’un territoire bien plus restreint et uniforme pour proposer une réponse. Elles pourraient à l’avenir se passer de l’action gouvernementale, non dans un esprit de compétition, mais simplement par soucis d’efficacité. Puisque la ville représente un maillon fondamental dans la chaîne des réponses concrètes, locales, aux défis globaux, des réseaux entre métropoles se multiplient comme autant de forums de coopération autour de domaines variés : la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité, l’innovation et la culture..  Ces forums marginalisant les Etats peuvent ils concrétiser non seulement des solutions effectives, mais aussi un changement majeur de la gouvernance mondiale ?

Les métropoles, points nodaux de la mondialisation, s’imposent en réalité à toutes les étapes des enjeux de gouvernance mondiale. Elle sont d’abord en première ligne face aux défis majeurs : cibles principales des attentats, théâtre des inégalités, elles souffrent aussi de congestion, de pollution (chacune à son échelle certes). Toutefois, puisqu’elles concentrent les hommes et l’éducation, elles agissent comme des incubateurs d’idées pour répondre aux risques précédemment évoqués. Véritables terrains d’essai pour mettre à l’épreuve ces solutions, elles fournissent ainsi des preuves et témoignages. Par conséquent, la création de groupes thématiques constitue un moyen de stimuler puis de « globaliser » les initiatives, tout en les financement via des ONG (telle que la Fondation Bloomberg, partenaire du CityLab). Dès lors, ces réseaux métropolitains deviennent des laboratoires expérimentant un futur cercle de gouvernance mondiale qui n’implique que très peu les Etats. 

L’ONU considère déjà les métropoles, centres de commandements, comme des rouages majeurs de la devise « Penser global, agir local ». Elle encourage d’ailleurs les réseaux inter-cités tels que les programmes United Smart Cities et Unesco Creative Cities Network, plateformes regroupant de nombreuses métropoles, censées décupler la portée d’une solution à un problème local.

Toutefois, la nouveauté provient de l’impulsion même de ce type de réseaux. Michael Bloomberg insiste ainsi sur le fait qu’ils émergent désormais des volontés des maires eux-mêmes. Ceux-ci ne répondent pas à l’appel d’organisations supra-nationales, ils tentent eux-mêmes de créer des groupes de coopération autour de problématiques que d’autres métropoles partagent. Ainsi, le projet Mega-Cities est né en 1986 dans l’espoir de multiplier les « transferts d’innovations » entre métropoles pour les rendre plus « intelligentes ». A titre d’exemple, l’initiative cairote « Zabbaleen » visant à enseigner et équiper les populations récupérant les ordures pour les transformer en produits commercialisables a ainsi été transposée à Manille et Bombay.

D’autre part, Anne Hidalgo (la maire de Paris) dirige depuis 2016 le « C40 Climate Leadership Group », organisation créée en 2005, qui rassemble aujourd’hui plus de 80 métropoles. Ce réseau oeuvre à lutter contre le réchauffement climatique, et se voudrait bien prendre des airs de « G20 des villes » sur lequel les Etats n’auraient pas d’emprise. A cet égard, l’ancien maire de New York a développé via sa Fondation Bloomberg un « plan climat alternatif » pour permettre aux élus des métropoles de s’opposer à la décision du Président Trump de se retirer de l’accord de la Cop 21. Le C40 agit donc comme un levier d’influence qui s’oppose à une décision étatique en l’occurence.

De ce fait, les Etats se retrouvent court-circuités des discussions et initiatives visant à surmonter les grands défis globaux actuels. Or, ce statut de lointain observateur est problématique. En effet, les Etats se retrouvent d’ores et déjà privés de certaines prérogatives par les institutions régionales et mondiales, et sont désormais menacés d’être évincés du processus de gouvernance mondiale qui vise à rendre le monde plus sur et durable, ce que les citoyens attendent par dessus tout. Cependant, les réseaux de métropoles demeurent des laboratoires encore au stade expérimental. Les réussites qui leur sont directement imputables sont encore trop peu nombreuses pour conclure de manière catégorique que l’Etat n’a plus sa place dans les réponses locales aux enjeux globaux. Celle-ci reste tout de même menacée aujourd’hui.

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