Mondialisation et enjeux

Afrique numérique : un état des lieux du cyberespace africain (1/2)

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Depuis l’avènement et la consécration des nouvelles technologies de l’information et de la communication comme outils et enjeux stratégiques, la recrudescence et le perfectionnement technique des cyberattaques n’ont de cesse de mettre en lumière les risques inhérents au cyberespace. Dans un contexte de numérisation à échelle globale, l’Afrique ne fait pas exception. De quelles réalités témoigne ce cyberespace africain ?

Le développement numérique africain induit son lot de menaces
L’Afrique saura-t-elle faire face aux cybermenaces ?

A la conception d’un continent miné par des problématiques de natures diverses, dont les difficultés d’accès aux NTIC, la réalité numérique africaine oppose un bilan en parfaite opposition. En effet, l’Afrique s’inscrit  dans une démarche de connectivité fortement accrue, enregistrant pour la seule année 2018 un taux de pénétration de 35,2% sur le continent contre 16% en 2012 selon les données de lInternet World Stats. Ces chiffres expriment concrètement que plus d’un tiers de la population dispose aujourd’hui d’un accès matériel à Internet. En cause, des injonctions envers les opérateurs de fournir une meilleure transparence sur les tarifs, une offre de service plus qualitative et abordable à l’échelle du continent ainsi que des initiatives de nature privée. A titre d’exemple, Facebook mène des actions, via ses services Free Basics ou encore Express Wifi visant à implanter des infrastructures rendant possible la connexion – malgré de nombreuses critiques.

Néanmoins, outre des considérations purement techniques, le numérique est progressivement devenu un véritable enjeu et une condition sine qua non du développement continental.  Dans les faits, une véritable économie numérique africaine voit le jour dans le giron de cette révolution 2.0. S’est ainsi développée une industrie à part entière ayant trait aux secteurs bancaires, des services en ligne, des télécommunications, médias, assurances, mais également un formidable outil en matière de modernisation, d’éducation, de culture ou encore de santé.

Une connectivité accrue qui va de pair avec de nouvelles menaces

Cet essor technologique est bien entendu à considérer au travers d’un prisme global, le revers de la médaille cyber induisant son lot de menaces et de risques. Une cybercriminalité active, corrélée à un manque de sécurisation de certaines infrastructures critiques et sensibles, émerge inexorablement en Afrique. La société de cybersécurité kenyane Serianu a dans ce contexte diligenté un audit en partenariat avec près de 700 institutions publiques et privées africaines et fait état de chiffres alarmants à cet égard. Rien que pour l’année 2017, la cybercriminalité continentale a par exemple engendré des préjudices financiers considérables, comme l’illustrent le Nigéria (649 millions de dollars), le Kenya (210 millions de dollars) ou encore la Tanzanie (99 millions de dollars).

Au total, le continent a accusé une perte de 3,5 milliards de dollars pour l’année 2017. Ce même rapport de la société Serianu laisse craindre une récurrence de ce type de menaces : « Le nombre de menaces et les pertes de données ont augmenté, avec le constat clair que les cybercriminels africains deviennent de plus en plus performants et dangereux ». Cela invite à s’interroger sur les spécificités de la cybercriminalité africaine

Un panorama cybercriminel propre à l’Afrique

Outre des problématiques de cyberattaques, la cybercriminalité africaine se caractérise dans une très grande majorité par des actes de cyber-escroquerie. La différence entre ces notions repose pour majeure partie sur le perfectionnement technique et les moyens alloués à la réalisation de ces actes délictueux.  Une cyberattaque correspond à une intrusion informatique (spyware, trojan), un sabotage (DDOS, bots) ou encore un logiciel « preneur d’otage » de données (ransomware). Pour sa part, la cyber-escroquerie relève du champ de l’arnaque interpersonnelle, avec des procédés allant de l’arnaque aux sentiments, du chantage vidéo, de faux contrats de bail à des fausses offres d’emploi.

Orchestrées par des scammers, ou encore « brouteurs », ces escroqueries informatiques ont le vent en poupe comme le soulignait Issa Diack, ancien commandant de la section de recherche de la gendarmerie nationale du Sénégal : « 90% des actes de cybercriminalité sont des cyberescroqueries et 10% seulement sont des cyberattaques pures ». Face à la montée de ces réseaux de cybercriminels se pose alors la question légitime d’une réponse, de la part des pouvoirs publics africains d’une part, mais également de l’ensemble des acteurs concernés. L’Afrique connectée est-elle alors dans l’impasse ou au contraire désireuse de reprendre en main son destin numérique ?

Sources :

PANARA, Marlène, Cybersécurité : comment l’Afrique essaie de se défendre, Le Point Afrique, 3 novembre 2017, [en ligne]

TAÏROU, Bilal, CHONGWANG Julien, Les cyberattaques dans la cybercriminalité en Afrique, SciDev.net, 28 avril 2017, [en ligne]

SERIANU, Africa Cyber Security Report 2017, Demystifying Africa’s Cyber Security Poverty Line, Serianu – Digital 4 Africa, 2017, [en ligne]

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Antoine Vandevoorde

Antoine Vandevoorde est analyste en stratégie internationale, titulaire d'un Master 2 Géoéconomie et Intelligence stratégique de l'IRIS et de la Grenoble Ecole de Management depuis 2017. Ses domaines de spécialisation concernent la géopolitique du cyberespace, les relations entreprises - Etats, l'intelligence économique et l'Afrique. Il est rédacteur aux Yeux du Monde depuis mars 2019.

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