L’eau, nouveau paradigme de la géopolitique du XXIème siècle (1/3)
Ressource naturelle essentielle à la vie, l’eau n’a jamais semblé aussi accessible et abondante qu’aujourd’hui. Ouvrir le robinet pour voir de l’eau couler est devenu un geste quotidien pour une grande partie de la population mondiale. Pourtant, celle-ci vient de plus en plus à manquer sur une planète que l’on sait bleue.
La Terre – si elle est composée à 70% d’eau – n’a à offrir qu’une petite quantité d’eau douce et consommable, environ 2,5%, dont moins d’1% est au final accessible en surface. Cette quantité qui peut apparaître dérisoire à l’échelle de la planète est en fait suffisante pour subvenir à nos besoins. Néanmoins, l’accessibilité et la répartition de ce pourcentage est actuellement inégale d’un pays à l’autre.
Pour Betsy Otto, analyste au World Ressources Institute ce qui compte au final c’est de savoir « si on a accès à ce faible pourcentage. La réponse à cette question dépend beaucoup d’où vous vivez. Le Koweït est l’un des pays les plus pauvres en matière d’eau par habitant, alors que le Canada, le pays le plus riche, dispose de 10 000 fois plus d’eau par habitant. Ce qui compte aussi c’est où se trouve l’eau. En effet, ce faible pourcentage de 1% sur lequel nous comptons tous est majoritairement situé sous terre et est très difficile d’accès, mais également très cher à puiser » [1].
Une prise de conscience de la part des gouvernements ?
Aujourd’hui, ce sont des centaines de millions de personnes qui sont exposées dans leurs pays respectifs à des niveaux de stress hydrique sans précédent du fait de cette réalité naturelle. Selon le World Ressources Institute (WRI), plus d’un quart de la population mondiale pourrait, dès l’horizon 2030, manquer d’eau. En plus de cela, les récents rapports du GIEC ou encore de l’agence américaine National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) viennent démontrer que le changement climatique accentue ces risques. En effet, le caractère imprévisible et irrégulier des précipitations rend l’approvisionnement moins fiable alors que, dans le même temps, la hausse des températures accélère le phénomène d’évaporation de l’eau contenue dans les réservoirs.
Conscients de ces “nouveaux” enjeux planétaires, les États – longtemps obsédés par la ressource pétrolière, synonyme de développement économique – semblent de plus en plus se tourner vers l’eau, ressource essentielle à l’agriculture et surtout à la vie. Pour eux, il s’agit non seulement de traiter dès maintenant les problèmes auxquels ils font face mais également d’anticiper les migrations climatiques qui s’annoncent. Si le XXème siècle a été le théâtre d’affrontement pour l’or noir, il semblerait que le XXIème siècle soit plutôt celui de l’or bleu. Ce changement de paradigme s’explique au regard de l’étendue de la menace. En effet, avec les pénuries, viennent les migrations climatiques puis les conflits. L’eau est donc bien plus qu’une simple question environnementale, elle est aussi sociétale, économique et surtout géopolitique.
Sources
– Romy ROYNARD, “L’or bleu, la bataille de l’eau », National Geographic, 22 Mars 2018
– Christine Ockrent, “Le siècle de l’or bleu », France culture, 1er Avril 2019
Notes
[1] « When people talked about running out of water what they really mean is do they have access to that very small percentage? The answer depends a lot on where you live. Kuwait is one of the poorest countries in term of water per inhabitant, Canada one of the richest has 10 000 times much (water per inhabitant). But it also matters where the water is. That 1% of earth water that we’re all rely on most of it is underground and really difficult and expensive to get to”. Betsy Otto, Water resources analyst, Vox documentary on “The global water crisis”.