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Le gaz de schiste bouleverse la géopolitique du pétrole

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Ce n’est pas du sang qui coule dans les veines du monde, mais de l’or noir. A mesure que les enjeux pétroliers augmentent, les pulsations du village global s’accroissent. Chaque conflit entraîne son lot de craintes inflationnistes et prouve l’interdépendance des économies. Représentant 53% de la production énergétique mondiale, le pétrole et le gaz sont l’essence de la consommation de masse globalisée.

En découle un enjeu géopolitique majeur. L’OPEP dispose de 77% des réserves mondiales et fait l’objet de toutes les convoitises. Cette offre concentrée (40 % de la production mondiale) confère à la région proche-orientale une profondeur stratégique. Du côté de la demande, 20% de la population mondiale, essentiellement dans les pays industrialisés, consomme 60% de l’énergie produite. Mais l’intégration de milliards de consommateurs chinois, indiens, brésiliens, indonésiens bouleverse le marché : le prix du baril a été multiplié par 4 depuis 2003 avec une bulle à 140$ le baril en 2008, pénalisant les consommateurs et renchérissant le coût des importations. Peu substituable (les énergies renouvelables ne représentent que 3% de la production mondiale), le pétrole a ainsi favorisé la crise de la dette des pays industrialisés et renforcé les réserves financières des pays exportateurs (d’où les investissements qataris dans le sport). Une seule incertitude (crise de la dette européenne, printemps arabe, élection iranienne), et les mondes interconnectés tremblent.

Pour sortir de l’ornière, certains pays se lancèrent dans l’aventure charbonnière (Chine, Allemagne, Etats-Unis), d’autres dans les énergies renouvelables (Scandinavie, Allemagne, Brésil, Canada). Les USA choisirent une voie complémentaire : le gaz de schiste. Les lourds investissements initiaux légitimés par la hausse des prix du pétrole permettront, selon le dernier rapport de l’AIE, aux USA de produire 12.8 millions de baril par jour, soit devenir le premier producteur de pétrole au monde devant l’Arabie Saoudite en 2018. Ils n’importeront ainsi plus que 35% de leurs besoins, contre 51% en 2012. Les flux se détourneraient alors vers l’Asie, phénomène amplifié à la fois par un changement brutal de l’offre et par une érosion de la demande des pays de l’OCDE tournée vers des produits économes en énergie. Ainsi, pour la première fois de l’histoire, le reste du monde supplantera les pays de l’OCDE en termes de demande de brut, pesant pour plus de 54% en 2018.

Quelles seront les conséquences géopolitiques d’une telle révolution ? Ce nouvel équilibre de la distribution n’affectera probablement pas les prix ce qui renforce la pérennité du gaz de schiste. Les USA, moins dépendants, se désengageront du monde latin et proche-oriental marquant un probable retour à un isolationnisme relatif après les demi-échecs irakiens et afghans. Les producteurs réduiront leurs coûts énergétiques et renforceront leur compétitivité, comme on le voit déjà aux USA. Les lourds investissements nécessaires au forage devraient faire éclore de nouvelles relations asymétriques entre pays importateurs et exportateurs (économie de la rente avec la Chindiafrique). Enfin, les problèmes environnementaux et sociaux liés à cette extraction controversée, dénoncés dans le film Promised Land, illustreront la fragilité d’une mondialisation inégalitaire et tournée vers le court-terme.

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