L’histoire de l’impôt
Lors de ses vœux le 31 décembre 2013, François Hollande a reconnu que les impôts étaient « devenus trop lourds », et promettait des mesures afin de les diminuer, à termes. Néanmoins, l’impôt, figure centrale du contrat démocratique, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (articles 13 et 14) comme « contribution commune », est essentiel.
Ce sont d’abord les Classiques qui reconnaissent la nécessité de l’impôt pour financer les fonctions régaliennes, le « Troisième devoir du Souverain » selon Smith, en tant que contrepartie du service rendu par l’Etat. Si l’impôt pallie les défaillances du marché, il doit être neutre et ne pas modifier les comportements économiques, car déjà craint-on un mécanisme désincitatif, avec Say qui prévient qu’« un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte ». L’impôt n’évolue alors que par effet de déplacement (Peacock et Wiseman, 1961) dû aux révolutions (la révolution française crée les « quatre vielles » entre 1790 et 1798), les guerres (l’impôt sur le revenu suit la Première Guerre mondiale, l’impôt sur les sociétés la Seconde) et les crises (la politique de déflation de Laval dans les années 30 repose sur l’arme fiscale, dont l’impôt sur les dividendes qui s’élève à 24%).
Puisque « plus la société se civilise, plus l’Etat est dispendieux » (Wagner, 1876), c’est véritablement l’émergence de l’Etat providence qui consacre les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations sociales) comme outils de la politique économique, mais aussi de diminution des inégalités de situation, à travers une redistribution horizontale (protection sociale) et verticale (impôt sur le revenu). Les instruments sont multiples : le taux de TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. La croissance des Trente Glorieuses permet d’augmenter les prélèvements obligatoires, qui passent de 14% en 1950 à 30% du PIB en 1960 en France. L’imposition continue à augmenter malgré la crise des année 70 et le tournant libéral des année 80, où l’on appelle à la baisse des impôts, car il existe, selon Laffer, un niveau optimal d’imposition, qui semble avoir été dépassé. Ainsi, lors des mandats de Reagan, la tranche d’imposition la plus élevée passe de 70 à 28% du revenu.
Mais ce qui est nouveau depuis les années 90, c’est la mondialisation qui impose une concurrence fiscale (paradis fiscaux, mais pas seulement). Le taux de prélèvement est un déterminant de l’attractivité du territoire, ce qui oblige, selon Brender, « à justifier ces exigences plus grandes par des prestations elles-mêmes aussi supérieures » (L’impératif de solidarité, 1997). Or ces prestations sont remises en cause de période de « Crise de l’Etat Providence » (Rosanvallon) et la crise de la dette qui frappe ces pays.
Bref, c’est toujours au plus mauvais moment que l’on est contraint d’augmenter l’impôt, lors des crises notamment – le taux d’imposition est passé en France de 42,5% du PIB en 2009 à 46,3% en 2013 -, compliquant ipso facto la sortie de crise, dans un contexte de mise en concurrence mondiale.