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La critique de Lucas, une avancée majeure en économie

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L’Homme qui marche, Alberto Giacometti, 1960
L’Homme qui marche, Alberto Giacometti, 1960

En 1976, l’économiste américain Robert E. Lucas publie “econometric policy evaluation: a critique”, article dans lequel il critique les hypothèses sur lesquelles les modèles économiques d’alors reposaient. Cette publication marque une tournant pour la macroéconomie.

Auparavant, les modèles utilisés pour évaluer les politiques économiques estimaient des équations qui liaient différentes variables entre elles. PIB, masse monétaire, niveau des prix, consommation, taux de change etc. étaient exprimés au sein d’un système d’équations qui permettait de réaliser des prévisions. Ainsi la structure de raisonnement était la suivante: comme en moyenne dans le passé une augmentation de la variable X a provoqué une hausse de la variable Y alors aujourd’hui il est fort probable que cet effet se répète. Or selon Lucas, les coefficients estimés par le passé et permettant de réaliser des prédictions n’ont aucune raison d’être constants dans le temps, bien au contraire. Ainsi le raisonnement “toutes choses égales par ailleurs” (ceteris paribus) semble trop simple pour appréhender la complexité du fonctionnement réel de l’économie. Pourquoi les agents (ménages, entreprises etc.) réagiraient forcément de la même façon à deux moments différents ? Leurs préférences peuvent avoir changées, modifiant par voie de conséquence leurs réactions face à une politique économique donnée.

Pour répondre à cette critique, les économistes ont donc construit des modèles économiques dits “structurels”, c’est-à-dire dont les paramètres dépendent des réactions des agents. Ceci constitue une véritable révolution dans la manière de construire les modèles macroéconomiques de prévision. Ajoutons que la division de l’économie en deux domaines distincts, microéconomie et macroéconomie, s’estompe alors. La microéconomie étudie les choix des agents : consommateurs et entreprises. Les choix du consommateur sont modélisés grâce à une fonction d’utilité, celle-ci représente le bien-être que le consommateur retire de ses choix (niveau de consommation, temps de travail, de loisirs etc.). Il s’agit pour lui de maximiser cette fonction en tenant compte de sa contrainte budgétaire (revenus limités). Les paramètres de la fonction d’utilité reflètent donc les préférences des consommateurs. De même l’entreprise dispose d’une fonction de production qui détermine son profit. L’entreprise cherche à maximiser son profit en modifiant le prix et les quantités des biens qu’elle fabrique. Les modèles macroéconomiques postérieurs à la critique de Lucas vont donc tirer partie de la microéconomie, en incluant les équations microéconomiques. Ce nouvel apport permet d’approcher au mieux la réaction des agents face à une modification de la politique économique. Les anticipations rationnelles des agents, prévisions que les agents font en fonction de l’information dont ils disposent, sont donc prises en compte dans les modèles. La prévision de l’impact des politiques économiques sur les grands agrégats (consommation, PIB, etc.), objectif final de la macroéconomie, est ainsi améliorée.

La critique de Lucas constitue donc un véritable changement de paradigme pour la macroéconomie. La banque de Suède a reconnu l’avancée majeure qu’a représenté cette critique en octroyant à Lucas le prix Nobel d’économie en 1995.

Pour aller plus loin : la nouvelle « synthèse néo-classique » : une introduction, Laffargue, Malgrange, Morin

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