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France : la fin d’une influence – Olivier Hubac – Fiche de lecture

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« La politique étrangère de la France se porte mal »

La Martinière, 2007, 165 pages.

AUTEUR : Olivier Hubac.

Diplômé de l’ESM Saint-Cyr, il est consultant dans un cabinet spécialisé dans l’intelligence stratégique (CEIS), chercheur spécialisé dans l’étude des conflits contemporains et attaché parlementaire européen. Spécialiste des questions de défense, il travaille notamment sur l’évolution des doctrines militaires et les nouvelles menaces. Il est notamment l’auteur de Israël-Palestine : Un siècle de conflits en 2005 et de L’enjeu afghan, sorti en 2010.

OBJET :

L’objectif d’Olivier Hubac est de pointer du doigt les faiblesses stratégiques de la France sur la scène internationale. S’il ne néglige pas les éléments qui peuvent constituer la puissance française, il met en garde contre un recul de nos positions, constat qu’il élabore en analysant les réactions de la France concernant des conflits récents, tels que l’Irak en 2003, ou le Liban en 2006.

QUATRIEME DE COUVERTURE :

Nourrie des valeurs universalistes de la Révolution de 1789 et marquée par la longue possession d’un empire colonial, la France se vit toujours comme une grande puissance internationale, entretenue dans cette croyance par l’héritage gaullien de la « grandeur de la France ». Mais qu’en est-il de son influence réelle sur la scène internationale ? Que signifie, par exemple, le refus de la France de suivre les Etats-Unis dans la guerre en Irak en 2003 ? Que cachaient ses hésitations pour intervenir militairement au Liban ? Ce livre ouvre le débat sur deux questions clés : la France a-t-elle une politique étrangère clairement établie et a-t-elle seulement les moyens de ses ambitions ? Dans ce texte incisif, stimulant et solidement argumenté, Olivier Hubac montre sans concession l’état des forces françaises, ses atouts et ses faiblesses sur l’échiquier international.

Pour que l’influence de la France ne soit pas bientôt qu’une grandeur perdue.

RESUME :

1- Une puissance aux pieds d’argile

Olivier Hubac entame son œuvre par un constat sévère : « la politique étrangère de la France se porte mal ». Notre pays est indigne de ses acquis au niveau des instances internationales, et il existe un mal-être dans notre diplomatie quant aux questions actuelles.

Lors de la guerre du Liban en 2006, qui opposait Israël au Liban, La France, historiquement implantée dans la région, se rangea du côté de Beyrouth. Malgré la possibilité de reprendre un rôle géostratégique majeur dans la région, la France fit appel à la générosité de la population pour aider indirectement le Liban. Pis, lors de la mise en place de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), l’apport français apparut particulièrement limité, signe que la France n’avait plus les moyens de son ambition, et ce malgré les pressions américaines.

La diplomatie française repose sur son armée. Mais celle-ci a un coût important. Avec la chute de l’URSS, une possible guerre mondiale s’éloigne, et il s’agit dès lors non pas de défendre les frontières d’un pays mais de procéder à des missions de paix à l’étranger. Il a donc fallu repenser l’armée française, l’une dont le budget est le plus élevé en Occident après les Etats-Unis et avec la Grande-Bretagne. Pourtant, l’équipement de notre armée peut paraître vétuste et les investissements qui devront être réalisés s’annoncent difficiles.

Mais quelle est la ligne de conduite française ? Est-ce un paradoxe pour notre pays de se ranger du côté russe et chinois et de ne pas participer à l’intervention militaire en Irak en 2003 ? Pourtant, en 1999, la France participe à la guerre du Kosovo, elle-aussi « illégale » à l’origine selon l’ONU. Les débuts d’explication de cette politique ambigüe sont nombreux, mais les raisons réelles restent floues. En outre, que signifie l’absence française lors du processus de reconstruction et de démocratisation de l’Irak ? Si l’on peut voir dans l’enlisement anglo-saxon en Irak la preuve que l’attitude française était la bonne au départ, il ne faut pas omettre que le souci français reste l’adéquation du rôle qu’elle souhaite jouer sur la scène internationale et des moyens qu’elle veut et peut mettre en œuvre pour y parvenir.

2- A la recherche des constantes diplomatiques

La France ne peut plus se poser en grande puissance, mais elle garde un poids important par sa capacité d’action et son histoire passée, qu’elle se plaît à se remémorer inlassablement. Mais notre pays doit avoir un rôle particulier, celui de proposer une autre voie, alternative à celles des puissances dominantes.

Avec la chute de l’empire soviétique, la géopolitique a repris tout son sens dans un monde devenu multipolaire. Mais pour comprendre la géopolitique de la France, il faut tout d’abord analyser la singularité de son territoire géographique.

La France affiche un équilibre original entre ses frontières maritimes et ses frontières terrestres. Mais sa double frontière maritime l’oblige à doubler ses efforts en termes d’armée maritime : en conséquence, celle-ci a été négligée par rapport à l’armée continentale et terrestre. La France n’a donc été une puissance maritime qu’épisodiquement. De Gaulle s’est attelé à remettre la France sur les bons rails, et a de plus développé des relations privilégiées avec les puissances terrestres allemande et soviétique en plus d’une alliance avec la superpuissance américaine. En outre, la Marine française est d’autant plus importante que notre pays possède la deuxième Zone Exclusive Economique (ZEE) au monde et que 70% de ses échanges se font par voie maritime.

Mais plus le temps passe, et plus « l’exception française » nous apparaît floue, ce qui ne nous empêche pas de vouloir étendre nos valeurs par-delà les frontières de notre pays : christianisme, humanisme, philosophie, héritages de la Révolution française tels que les droits de l’homme, legs de l’ère napoléonienne tels que l’administration ou le code civil, mémoire de l’époque coloniale, etc. Autant de valeurs que la France souhaite universaliser. Surtout, la période du gaullisme a permis à la France de garder son rôle dans le concert des nations et de lui donner une idée de grandeur que les épisodes de décolonisation n’ont pas amputée. Le patrimoine culturel français, lui-aussi, confère une place particulière à la France.

Mais pour conserver son influence, la France ne doit omettre ni ses prétentions continentales ni ses ambitions maritimes, tout en évitant d’imposer à son monde ses concepts qu’elle croit universels.

3- L’heure des choix

Ce qu’il faut, c’est que la France conserve ses possibilités d’influence qui lui permettront de maintenir son statut à long terme. Si l’argent fait défaut, il faudra tout d’abord allier économie et efficacité. Il faut également que la France révise ses axes diplomatiques majeurs.

Parfois moteur, parfois frein, la France a joué un rôle ambivalent dans le cadre de la construction européenne. Si elle a initié la CECA, elle a été à l’origine de l’enterrement de la CED. En 1957, l’Europe construit son élaboration, grâce au traité de Rome. Mais l’arrivée au pouvoir du général De Gaulle l’année suivante vient remettre en cause cette Europe fédéraliste qui fait succomber partiellement l’indépendance des nations, et est à l’origine du rejet du plan Fouchet en 1962 et plus tard de la politique de la chaise vide menée par la France. Suite au départ de De Gaulle, l’Europe reprend sa marche en avant, en s’élargissant tout d’abord vers le Nord, puis grâce au couple franco-allemand à l’origine du SME en 1979. Approfondissement et élargissement se poursuivent ensuite dans les années 1980. En 1992 naît l’Union Européenne, dans une décennie où, avec la chute du Rideau de fer, l’Europe peut prétendre à l’unification. En 1999, onze pays de l’UE adoptent l’euro, nouvelle monnaie unique. Deux ans plus tard, l’adoption du traité de Nice anticipe l’élargissement de l’UE à 25 puis 27 membres : mais en 2004, le traité constitutionnel établi par l’Europe cherchera à pallier les difficultés de mise en application du traité de Nice. Aujourd’hui, l’Europe reste un chantier : la France se doit de se repositionner sur le devant de la scène en se posant comme le vecteur d’un nouveau projet commun pour l’Europe, mais cela implique de savoir préalablement ce que l’on veut faire de l’Union Européenne.

La relation a également eu des relations ambigües avec les Etats-Unis : s’ils ont contribué à leur indépendance, les Américains sont restés neutres durant les événements de la Révolution française, tout comme Paris durant la Guerre de Sécession. Les interventions américaines durant les deux guerres mondiales, aux côtés des Français, ont davantage été dues à la conjoncture qu’à un véritable souhait de soutenir la France. Malgré un éphémère rapprochement sous la IV° République, les guerres d’Indochine et d’Algérie contribuent à détériorer les relations franco-américaines, tout comme la crise de Suez en 1956, révélateur de la puissance limitée de la France au plan international. Le retour de De Gaulle au pouvoir en France entraîne de multiples tensions avec les Etats-Unis dont il conteste l’hégémonie, tout en ne rompant pas ses relations avec le monde socialiste. En 2003, la rupture idéologique entre politiques américaine et française et à nouveau total sur la question de l’intervention en Irak. Cependant, la France doit s’efforcer de ne pas se brouiller avec l’allié américain, dont elle partage la culture occidentale, malgré notre vocation à exporter nos concepts universalistes face à celui de « manifest destiny » américain. Si la France n’a pas pris le parti américain en 2003, c’est en fait lié à une méconnaissance mutuelle entre notre pays et les Etats-Unis (à laquelle il faut remédier), la France n’ayant pas anticipé les conséquences des événements du 11 Septembre.

La langue française, de nos jours, perd du terrain, même si l’on ne peut pas remettre en cause la prédominance de l’anglais au plan international. Même si le français jouit d’un passé historique qui lui offre une place particulière, il nous faut éviter son déclin, car maintenir son rang permettra à la France de conserver sa place dans le concert des nations. Pourtant, à l’heure actuelle, les vecteurs de notre langue, tels que TV5 Monde ou France 24, semblent insuffisamment puissants. Il faudrait que la France prenne enfin conscience de sa capacité d’influence que représente la francophonie.

La France possède d’innombrables instituts et chercheurs capables d’analyser les tenants et les aboutissants du monde actuel : mais nous manquons cruellement d’un vrai « think tank » qui pourrait élaborer une stratégie à mener au-delà des frontières de notre Etat. En outre, la véritable recherche est réalisée non pas par le ministère des Affaires étrangères, censé prendre les décisions en matière relations internationales, mais par celui de la Défense, qui n’est théoriquement qu’un outil. Au final, c’est bien d’un instrument qui coordonne la réflexion et l’action dont a besoin notre pays.

Condition sine qua non : de la nécessité de réformer d’abord la France

Pour conserver son influence, la France doit donc ouvrir le débat du rôle qu’elle veut prétendre jouer à l’avenir. Mais le coût économique n’est pas le seul obstacle : la France souffre d’un trouble intérieur qui qu’elle doit éliminer avant de pouvoir faire les réformes qui s’imposent.

ANALYSE :

La hantise du déclin français est un thème récurrent dans les hautes sphères politiques de notre pays, et il en va de même dans bien d’autres pays qui avec la France forment ce que Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la Défense sous G. W. Bush notamment, appelait la « vieille Europe ». Si notre présence dans certaines instances, telles que le Conseil de Sécurité de l’ONU, confère à la France un poids certain, Olivier Hubac refuse que nous nous voilions la face.

La France, particulièrement, pâtit d’une politique étrangère hésitante. Son « soft power » dont on se vante souvent n’a pas la portée à l’étranger que nous pourrions croire. Pourtant, la France a les moyens de conserver son rôle de puissance dans le nouvel ordre mondial qui se forme. Elle possède, en effet, de multiples atouts, mais qu’elle a du mal à mettre en valeur, par exemple la francophonie.

Mais n’oublions pas que la première puissance mondiale, qui plus est en matière d’armement, reste les Etats-Unis. En conséquence, nous devons apprendre à travailler main dans la main avec les Américains, sans pour autant oublier nos idéaux. Enfin, si la France veut s’assurer d’un rôle puissant pour le futur, elle devra sans doute passer par le regain du leadership d’une Europe porteuse d’un projet qui lui redonne toute sa place dans les affaires du monde.

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