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L’économie égyptienne, les rentes et les Frères Musulmans

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Ces derniers jours, la chute des Frères Musulmans en Egypte a fréquemment été analysée comme la conséquence directe de l’échec économique et social de M. Morsi. Faisons le point sur la réalité économique de ce géant arabe de 82 millions d’habitants.

Les faiblesses de l’économie égyptienne sont faciles à identifier. La première, c’est l’Etat égyptien. Ce dernier est très fortement endetté : le déficit budgétaire représente plus de 11% du PIB en 2012, ce qui devrait bientôt porter la dette égyptienne à 85% du PIB. Or, cette dette est très largement financée en interne (ce qui, a priori, serait une bonne chose), notamment par les banques égyptiennes qui, publiques (et mal gérées pour la plupart), se trouvent exposées à des risques importants.

De plus, l’Egypte, bien que considérée comme un pays émergent, a encore une économie peu diversifiée, basée essentiellement sur le tourisme (ce qui explique que plus de la moitié de la population active travaille dans le tertiaire) et sur l’agriculture (un tiers de la population active), deux secteurs relativement rémunérateurs mais caractérisés par la faiblesse de leurs « effets d’entrainement » : l’Egypte vit grâce à eux, mais ils ne peuvent suffire à augmenter durablement le PIB par habitant.

Néanmoins, il faut souligner les profonds facteurs de résilience qui caractérisent l’économie du pays.

L’Egypte est en effet une économie de rentes multiples : le tourisme, l’exploitation des hydrocarbures du Sinaï, les transferts des égyptiens vivant à l’étranger et le canal de Suez (dont les recettes sont fort heureusement pour l’Egypte) sont des sources importantes de devises. A ces quatre rentes, on peut en ajouter une cinquième : la rente géopolitique. L’Egypte, il y a peu encore considérée comme « grande puissance stabilisatrice », est soutenue à bout de bras par les Etats-Unis et les riches pays du Golfe.

Ces rentes, bien qu’elles apportent une richesse certaine au pays et réduisent considérablement les risques d’effondrement, ne sont pas génératrices de croissance, et leur produit est inégalement réparti.

Le point le plus inquiétant concernant l’économie égyptienne, c’est que ses déséquilibres tendent à se creuser. Alors que la croissance stagne en-dessous de 2% et que l’inflation s’installe au-dessus de 10%, la part de la population sous le seuil de pauvreté (plus de 25%) augmente. Point majeur, alors que le tiers des égyptiens travaille dans l’agriculture, le pays est le premier importateur de blé de la planète ! Les égyptiens les plus pauvres sont par là-même très exposés aux variations des cours mondiaux des matières premières agricoles (d’où les émeutes de la faim de 2008, particulièrement violentes au Caire). L’Etat subventionne lourdement les produits alimentaires de base… Mais ce soutien, qui ne peut contrebalancer une faiblesse structurelle, est limité par la profondeur du déficit publique.

Quelle est la responsabilité de la courte « ère Morsi » dans la situation économique actuelle ? Soyons honnête, elle est faible. Les Frères n’ont certes pas été avares de promesses intenables, mais ils ne peuvent être considérés comme uniques responsables.

C’est l’instabilité géopolitique et politique qui a fait « basculer » une économie déjà déséquilibrée. L’instabilité géopolitique fait peser un risque énorme sur l’avenir des lourds soutiens financiers des Etats-Unis. L’instabilité politique est plus grave : elle a, temporairement espérons-le, détruit une partie de la rente touristique.

La paupérisation des classes les plus fragiles, très touchées par la chute du tourisme, nourrit l’insatisfaction vis-à-vis des politiques. Un cercle vicieux que l’Egypte a très longtemps cru éviter.

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