Le génocide Rwandais: genèse (1/3)
Au Rwanda, la discrimination entre l’ethnie majoritaire Hutu et les Tutsis en minorité, qui a trouvé son paroxysme dans le génocide perpétré contre ces derniers en 1994, est le résultat d’un processus historique complexe où entrent en jeu la réalité de la population rwandaise mais aussi la façon dont colonisateurs et rwandais eux-mêmes l’ont vécue et expliquée.
À partir de 1894, le Rwanda devient une colonie allemande. Forts de leurs observations ethnologiques, les colonisateurs croient déceler une supériorité raciale chez les Tutsis, qu’ils estiment plus fins et raffinés que les Hutus. À l’issue de la Première Guerre Mondiale, les Belges récupèrent la maîtrise de la colonie, et s’en remettent aux Tutsis pour gouverner le pays sous l’égide de l’administration coloniale. La minorité Tutsi est la seule à pouvoir accéder à l’éducation et à la gouvernance, au dépens des Hutus, qui sont confinés aux taches subalternes. En 1931, l’administration belge met en place une carte d’identité ethnique, qui servira plus tard de prétexte pour justifier l’élimination des Tutsis.
Mais les autorités coloniales belges renversent la situation à la fin des années 1950, puisqu’elles décident de s’appuyer sur la majorité Hutu pour accompagner l’accession du Rwanda à l’indépendance, et lui confient donc les rennes du pouvoir.
Ce double processus explique l’animosité entre les deux ethnies. Ainsi, dès 1959, le parti Parmehutu est créé pour promouvoir les intérêts des Hutus et des massacres de Tutsis ont lieu, c’est pourquoi une partie de ces derniers fuient vers les Etats voisins (Burundi, Ouganda, etc). Durant les années soixante, plusieurs tentatives de retour des exilés par la force des armes ont lieu, sans succès. En représailles, des exactions sont perpétrées contre les Tutsis restés au Rwanda, comme en 1963, date à laquelle 10 000 personnes sont tuées.
En 1972, des dizaines de milliers de Hutus sont massacrés au Burundi par l’armée, à majorité Tutsi. Ces massacres alimentent alors, au Rwanda voisin, l’animosité et la peur réciproque entre les deux ethnies. En 1973, Habyarimana accède au pouvoir par un coup d’Etat, à la suite d’un nouvel élan anti-Tutsis. Ce dernier continue de laisser impunies les exactions perpétrées contre cette minorité, tout en donnant à la communauté internationale des gages de bonne volonté pour pouvoir tisser des liens avec les puissances occidentales, et notamment la France.
Mais en 1990, les rebelles Tutsis du FPR, dirigés par Paul Kagame, franchissent la frontière de l’Ouganda et marchent sur Kigali. S’ensuit une guerre civile les opposant aux FAR (Forces Armées Rwandaises) ponctuée de massacres dans les deux camps. Entre 1990 et 1993, les FAR sont ré-organisées par l’armée Française pour contrer le FPR, accusé de certaines exactions. Cette guerre civile suscite la création de plusieurs milices, dont l’Interahamwe, déjà qualifiée de « commando de la mort ».
En 1993, des négociations de paix aboutissent aux Accords d’Arusha. Mais certains Hutus, méfiants envers l’évolution de la situation, se regroupent au sein du Hutu Power, et créent la Radio des mille Collines. Les accords d’Arusha ne seront jamais mis en oeuvre, et leur signature ne pourra empêcher le déclenchement du génocide, le 7 avril 1994.