Le retour de Confucius et la puissance Chinoise
Le confucianisme (Confucius – 551, – 479 av. J.-C.) fait un grand retour en République Populaire de Chine malgré une opposition parfois flagrante avec les théories marxistes. Cependant le confucianisme avait connu sa plus grande crise avant l’arrivée des communistes au pouvoir en Chine.
En effet le traité de Versailles vécu comme un « Diktat » par les Allemands sera vécu comme une humiliation par la Chine. Malgré son engagement (symbolique) au côté des forces alliées, une importante partie de son territoire revient à l’Empire du Japon. La Chine n’est plus une puissance, elle n’est qu’un territoire que les Européens partagent à leur gré. Depuis la première guerre de l’opium (1839-1842), et sa défaite militaire face aux puissances occidentales une crise sous-jacente a agité l’opinion publique chinoise quant à son retard sur l’Occident sur des aspects militaires mais également financiers et même philosophiques. Le traité de Versailles enfonce définitivement le clou, la Chine est reléguée au rang de puissance mineure. Le 4 mai 1919 est annoncé le traité de Versailles ; 3000 étudiants manifestent alors dans les rues de Pékin et répandent la nouvelle dans toute la Chine. Ils blâment notamment les Mandarins – ces fonctionnaires-lettrés qui sont soumis à des concours impériaux pour accéder à la fonction publique. Ces examens ont été en place pendant exactement 1300 ans, de 605 de notre ère à 1905. Ils reposaient fortement sur l’étude des Cinq Classiques de Confucius et ont imprégné pendant deux mille ans la société chinoise de ses valeurs. C’est cette influence confucéenne qui a été considérée comme délétère au début du siècle car la tradition n’avait pas été capable de préparer le pays aux volontés coloniales européennes du XIXe siècle. Mao enterrera également les restes du confucianisme avec la Révolution Culturelle.
La théorie confucéenne
La théorie confucéenne repose sur l’idée que l’homme doit atteindre un haut niveau de probité morale (la vertu) individuellement pour pouvoir accomplir de manière intègre sa tâche de bon père de famille, de bon ministre ou de bon empereur. De ce fait la logique confucéenne instaure le principe de piété filiale qui sous-entend une obéissance totale à sa famille et un culte des ancêtres. L’Empire prend ses fondements sur cette piété filiale et sur le même sentiment de dévouement à l’autorité impériale. On voit aujourd’hui les résultats de l’influence de cette philosophie sur la société chinoise avec les travaux de Geert Hofstede qui a montré que la société chinoise était particulièrement respectueuse de la hiérarchie et collectiviste.
Un retour dans le monde universitaire qui a précédé un retour sur la scène publique
Depuis la fin des années 1980, des professeurs-chercheurs d’universités ont réussi à réhabiliter l’héritage de Confucius. Les cours sur le confucianisme font classes pleines quand les cours sur le marxisme peinent à remplir les amphithéâtres. Ce mouvement de fond a percé en 2004 quand les Instituts Confucius (IC) ont été créés. De plus, Hu Jintao en souhaitant en février 2005 dans un discours aux membres du parti une société harmonieuse fait explicitement référence aux valeurs confucéennes. L’année suivante il prononcera un discours incitant les membres de l’administration à suivre les principes confucéens de probité morale. Les valeurs confucéennes seront aussi mises en valeur par Xi Jinping pour lutter contre la corruption.
Une théorie qui répond à un besoin de racines
Il faut donc comprendre le retour de Confucius comme le retour de la puissance chinoise. En effet le peuple a déconsidéré Confucius, les Mandarins et l’Empire car ils n’avaient pas été capables au cours du XIXe siècle de défendre les intérêts chinois. L’occidentalisation du pays avait été vue comme seule réponse à la supériorité européenne, décision définitivement entérinée après l’échec du Grand Bond en Avant et les réformes de 1978 qui avaient inscrites la Chine dans une logique plus libérale. Mais aujourd’hui la Chine est redevenue la première puissance économique du monde même si son PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat est inférieur à celui de la Bulgarie, pays le plus pauvre de l’Union Européenne. Et cette puissance retrouvée qui coïncide avec le manque de valeur propre à la mondialisation et au libéralisme qui ont frappé la Chine ces 30 dernières années l’incite à puiser dans sa longue histoire pour créer sa légende nationaliste et retrouver un système de valeur qui lui est propre. En effet depuis une dizaine d’années de nombreux spécialistes de Confucius plaident pour une réappropriation nationaliste de Confucius. Toutefois si Confucius peut être utilisé comme symbole de l’ancienneté de la culture chinoise et de la pertinence d’une philosophie vieille de plus de 2 000 ans à l’étranger, cette réutilisation est plus compliquée en Chine. En effet la population, tout du moins les médias sont à même de relever les incohérences entre la théorie marxiste chinoise et les principes confucéens. En témoigne en 2011 l’érection d’une statue de Confucius en face de la tombe de Mao Zedong qui fut retirée rapidement et de nuit du fait des comparaisons que cela avait entrainé entre les deux hommes dans la presse et sur les réseaux sociaux. De plus la philosophie confucéenne indique que les dirigeants doivent être guidés par des considérations morales dans leurs actions internationales ce qui n’est pas vraiment compatible avec la théorie marxiste qui recommande la défense de ses intérêts économiques comme seul moteur des actions internationales.
Le défi pour le Parti Communiste Chinois (PCC) est d’arriver à créer un confucianisme d’Etat. Car s’il venait à échouer, alors il aurait participé à la propagation d’une théorie aux hautes valeurs morales, proposant ainsi une alternative à son propre pouvoir.