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Géopolitique du Mondial 2018

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C’était écrit, cette 21éme édition de la Coupe du monde de football de la FIFA a bien été placée sous le signe de la géopolitique. La raison principale étant qu’elle se déroulait en Russie, dans un contexte de tensions diplomatiques entre Russes et Occidentaux. Ensuite, parce qu’elle devait redorer l’image du pays organisateur et celle de son président, Vladimir Poutine, qui a pu rencontrer une dizaine de dirigeants étrangers à cette occasion. Enfin, parce qu’on attendait de voir si la Russie était capable d’organiser cet événement sans débordements de hooligans, ni comportements racistes dans les stades. Si la Russie a évidemment occupé l’espace médiatique de cette Coupe du monde, les pays des Balkans se sont également illustrés, notamment avec les polémiques du match Serbie-Suisse et le magnifique parcours de l’équipe croate.

Une coupe du monde réussie pour Vladimir Poutine.

Un ballon d’or diplomatique pour Vladimir Poutine ?

La réussite du mondial russe est quasi-totale, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Nous redoutions des stades vides, ils étaient pleins du premier au dernier match. Les Russes eux-mêmes doutaient de leur équipe nationale, qui a pourtant réussi à se hisser en quarts de final. Des hooligans absents, pas de comportements racistes dans les stades, l’opération séduction a semblé fonctionner. Les images de Vladimir Poutine aux côtés du Prince saoudien Mohammed ben Salman lors de l’ouverture du mondial et auprès du président français et de la présidente croate lors de la finale, démontrent la grande intensité diplomatique engendrée par l’organisation de cette compétition.

Quelques ombres figurent toutefois au tableau. En Europe, plusieurs collectifs ont demandé la libération du cinéaste Oleg Sentsov, emprisonné en Russie pour terrorisme et trafic d’armes, menant actuellement une grève de la faim. L’omniprésence du leader tchétchène Ramzan Kadyrov autour de l’équipe égyptienne et de sa star Mohamed Salah, a relancé la mobilisation sur le sort réservé aux homosexuels dans cette région. Enfin, les Pussy Riot se sont invités sur la pelouse en finale de la coupe du monde en uniforme et ont interrompu le match pendant quelques dizaines de secondes.

Si le mondial russe, n’aura pas vraiment remonté la côte du pays en « Occident », il n’en va pas de même pour d’autres régions du monde. Qu’il s’agisse de l’Asie, du Moyen-Orient ou de l’Afrique, la Russie a réussi sa promotion avec pour double objectif, une attractivité plus grande pour les touristes (asiatiques notamment). Cela a également été l’occasion de réaffirmer sa crédibilité internationale, devant servir à un rapprochement politico-économique avec les pays des régions cités. Concernant l’Europe, le Kremlin n’avait que peu d’attente et savait déjà que les tensions diplomatiques actuelles ne pourraient être dépassées par l’organisation d’un événement sportif.

Les Balkans en question

Les autres épisodes géopolitiques durant ce mondial ont souvent eu un lien avec les Balkans. Lors de la deuxième journée, le match Serbie-Suisse a fait couler beaucoup d’encre. Si cette affiche paraissait somme toute banale, elle a pourtant ravivé le souvenir des guerres en ex-Yougoslavie. Ainsi après avoir marqué un but chacun, Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri, joueurs de l’équipe suisse, tout deux originaires du Kosovo, ont mimé l’aigle albanais, symbole de l’Albanie et de l’UÇK (l’armée de libération du Kosovo), provoquant la colère de leurs adversaires serbes.

Dans la foulée de ce match, l’entraineur de la Serbie, Mladen Krstajic, s’est lui aussi illustré. Considérant que l’arbitre méritait « d’être envoyé à La Haye », en référence au tribunal pénal international, pour ses erreurs d’arbitrages. Tribunal où plusieurs dirigeants serbes ont été jugés pour des crimes contre l’humanité durant les conflits des années 90. Et de publier sur Instagram: « Malheureusement, il semble que seuls les Serbes sont condamnés à une justice sélective, avant à La Haye et aujourd’hui dans le football, avec l’assistance vidéo à l’arbitrage ».

Xherdan Shaqiri mimant l’aigle albanais.

Kolinda Grabar-Kitarović : une présidente omniprésente

La Croatie, finaliste malheureux de ce mondial a également fait parler d’elle. Empêtré dans un scandale de corruption, le football croate aura vécu une parenthèse heureuse lors de son incroyable parcours. La présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović, présente depuis le quart de finale contre la Russie, s’est imposée comme la première supportrice des « Vatreni », arborant le maillot croate jusqu’à la finale. Là encore impossible de rater Kolinda Grabar-Kitarović. La présidente conservatrice qui a su donner un visage présentable au nationalisme, est aussi présente dans le vestiaire des bleus aux côtés de Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors des dernières célébrations. Nul doute que ce mondial aura bénéficié à l’image de ces trois dirigeants, au niveau national et international.

Si les événements liés à cette 21ème Coupe du monde sont restés très centrés sur l’Europe, la prochaine édition verra certainement son curseur stratégique se déplacer vers le Moyen-Orient, puisqu’elle aura lieu au Qatar. Rendez-vous donc, en novembre 2022.

Kolinda Grabar-Kitarović et Emmanuel Macron, deux finalistes heureux.
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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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